Elles ont été proposées lors de la 3è Conférence africaine sur la dette et le développement tenue à Yaoundé le 25 juillet, en prélude à l’événement continental prévu au Sénégal du 30 août au 1er septembre 2023.
« L’Afrique doit sortir du cercle vicieux dans lequel elle est plongée en prenant les mesures suivantes : trouver des moyens de sortir du court-termisme de la planification macroéconomique ; améliorer la production et l’industrialisation ; accroître la mobilisation des ressources internes ; et renforcer l’action de l’Afrique tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. » Telle est la principale recommandation qui a sanctionné les travaux organisés par l’African Forum and Network on Debt and Development (AfCoDD) en collaboration avec Africa Development Interchange Network. Il s’est agi de « ré-imaginer, repenser, réorganiser et remobiliser le continent pour un « ordre mondial africain » ».
En effet, alors que le monde est confronté à une crise aux multiples facettes, la position de la société civile africaine est qu’une architecture financière et d’endettement mondiale fracturée donne la priorité aux profits plutôt qu’aux personnes, et que les Africains sont touchés de manière disproportionnée. Cela laisse le continent dans un mode de crise perpétuelle et une approche politique de dépendance qui doit être repensée. Si la dette n’est pas mauvaise en soi, elle semble, sous sa forme actuelle, perpétuer la colonisation en Afrique.
C’est que la crise multiforme à laquelle l’Afrique est confrontée est en train d’inverser les gains durement acquis en matière de réduction de la pauvreté. Car, des programmes d’augmentation de la pression fiscale et de réduction du niveau de vie dominent la politique macroéconomique. Même avec des programmes d’allègement de dette tels que l’initiative de suspension du service de la dette, de nombreux pays africains sont tenus de rembourser la dette bilatérale et la dette du secteur privé, ce qui réduit leur capacité à répondre aux pressions socio-économiques nationales et, de fait, à désinvestir dans les services sociaux.
Cameroun
Paradoxalement, les pays africains renvoient des revenus qui leur sont pourtant indispensables vers les pays développés sous forme de service de la dette, de transfert de bénéfices, d’exportations de matières premières et d’importations de produits finis, le tout couplé à un commerce intérieur limité qui réduit encore la capacité du continent à fournir des services essentiels à ses citoyens, y compris des investissements indispensables dans les filets de sécurité sociale. Certains pays africains sont en situation de surendettement, tandis que d’autres sont en passe de le devenir. Le Cameroun, par exemple, a longtemps été soumis aux programmes de la Banque mondiale et du FMI sans parvenir à des solutions durables. Le conseil d’administration du FMI a achevé en juillet 2023 la 4è revue des accords triennaux mixtes du Cameroun approuvés le 29 juillet 2021, qui visaient à soutenir le programme de réformes économiques et financières du pays par des décaissements qui alourdissent la dette publique.
Pour le sénateur Flambeau Ngayap, « le ministre des Finances, que nous interrogeons régulièrement sur la nécessité de s’endetter, nous rassure toujours que notre ratio est largement en deçà du taux de 70% prescrit par la Cemac. La question n’est donc plus de savoir si l’endettement du Cameroun est soutenable, mais de savoir quelle utilisation en est faite. » Le parlementaire estime que « s’endetter pour construire un stade de football et s’endetter pour construire une route ne peuvent pas avoir le même impact. La route est un vecteur de développement évident. Je ne dis pas qu’un stade de football n’est pas important mais, il est préférable de le construire sur nos ressources propres. On emprunte pour justifier la dette par ses retours sur investissement et le développement qui s’ensuit. »
L’AfCoDD rassemble des leaders politiques, techniques et civiques d’Afrique pour délibérer et convenir d’engagements qui sauvegardent la durabilité macroéconomique du continent en vue d’atteindre un niveau d’autodétermination économique, politique et sociale pour un « Nouveau mouvement pour la dette ».
Thierry Christophe Yamb