Les pays du monde entier ont approuvé mercredi par consensus à la COP28 à Dubaï une décision appelant à une “transition” vers l’abandon des énergies fossiles. Dès l’ouverture de la séance plénière de clôture, les délégués ont adopté la décision préparée par les Emirats arabes unis, déclenchant une ovation debout et de longs applauddissements. Il s’agit d’une décision “historique pour accélérer l’action climatique”, a déclaré Sultan Al Jaber, président de la conférence de l’ONU.
Près de 200 États ont adopté, mercredi matin à Dubaï (Émirats arabes unis), le premier “bilan mondial” dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat, appelant notamment à opérer une transition hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, dans l’optique de la neutralité carbone en 2050. Un seul pays pouvait objecter à l’adoption d’une décision à la COP, selon les règles de l’ONU Climat, et une possible objection de dernière minute de l’Arabie saoudite ou de l’Inde rendait nerveux les observateurs. Mais aucune voix ne s’est finalement levée.
Aussi alambiquée qu’elle soit, cette formulation sur les énergies fossiles, dont la combustion est largement responsable du réchauffement climatique, est inédite dans une décision d’une conférence de l’Onu sur le climat. La COP28 fait un pas vers la fin des énergies fossiles et réaffirme l’objectif de limiter le réchauffement climatique bien en deçà de +2°C et de poursuivre les efforts pour le contenir à +1,5°C alors que la décennie actuelle est perçue comme “cruciale” pour corriger la trajectoire.
“Vous avez fait montre de flexibilité. Vous avez placé l’intérêt commun au-dessus des intérêts particuliers”, a salué le président de la COP28, Sultan Al Jaber, après 48 heures de discussions particulièrement intenses sur une formulation concernant le sort des énergies fossiles. Le texte approuvé forme une base pour des changements en profondeur, a estimé le président de la COP28.
Le projet appelle non pas à “sortir progressivement”, comme le demandaient plusieurs blocs de pays, dont les Européens, ni à “réduire” production et consommation, comme dans une version précédente, mais à réaliser “une transition” depuis les énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon).
Plus précisément, les Etats sont appelés à réaliser cette transition hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques “d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone pour 2050″.
Les Etats insulaires, l’Union européenne et plusieurs pays sud-américains ont ferraillé ces derniers jours pour défendre une sortie progressive (phase out) des combustibles fossiles mais se sont opposés aux pays pétroliers, Arabie saoudite en tête, pour qui il faut s’attaquer aux émissions de carbone plutôt qu’à leurs sources, c’est-à-dire pour grande partie la combustion d’énergies fossiles. En outre, certains grands pays en développement comme l’Inde produisent encore la majorité de leur électricité à partir du charbon.
Le nouveau texte appelle également à une sortie progressive des subsides aux énergies fossiles qui ne répondent pas à la pauvreté énergétique ou aux transitions justes et ce, “dès que possible”. Une source proche de la présidence émiratie estime que le texte a été finement “calibré” pour tenter de réconcilier des points de vues opposés, et notamment éviter un blocage de l’Arabie saoudite. Tout en laissant volontairement un peu d’ambiguïté dans les formulations pour que chacun y trouve son compte…
Le texte contient de multiples appels liés à l’énergie: tripler les capacités d’énergies renouvelables et doubler le rythme d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030; accélérer les technologies “zéro carbone” et “bas carbone”, dont le nucléaire, l’hydrogène bas carbone, et le balbutiant captage et stockage du carbone, défendu par les pays producteurs de pétrole pour pouvoir continuer à pomper des hydrocarbures.
“L’accord de la COP28 qui vient d’être adopté est une victoire du multilatérialisme et de la diplomatie climatique”, a déclaré mercredi la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher à Dubaï. Adopté au terme de longues négociations, “le texte appelle pour la première fois à la sortie progressive des énergies fossiles, en cohérence avec l’objectif des 1,5°C”, niveau de réchauffement planétaire inscrit dans l’accord de Paris en 2015, a estimé la ministre. “C’est la première fois que tous les pays convergent sur ce point”, a dit Mme Pannier-Runacher.
La COP28 pourrait marquer “le début de la fin des énergies fossiles”, a jugé mercredi le commissaire européen chargé du Climat, Wopke Hoekstra, avant d’entrer en séance plénière à Dubaï. “Pour la première fois en 30 ans, nous pourrions maintenant approcher le début de la fin des énergies fossiles. Nous faisons un pas très, très significatif” pour limiter le réchauffement à 1,5°C, a-t-il jugé.
Le nouveau texte soreprésente une “amélioration” malgré des “inquiétudes” sur certaines failles, a jugé l’alliance des petits Etats insulaires (Aosis), qui est en pointe pour réclamer des mesures fortes contre les énergies fossiles. Le texte représente un “pas en avant” mais “ne fournit pas l’équilibre nécessaire pour renforcer l’action mondiale pour corriger le cap sur le changement climatique”, juge l’alliance dans un communiqué.
“Ce n’est pas la promesse historique” du “phase-out” mais “transition hors, cela envoie quand même un signal important. Et si c’est adopté, ce serait quand même la première fois qu’on a de tels mots, qui couvrent non seulement le charbon, mais aussi le pétrole et le gaz”, avait réagi Caroline Brouillette, directrice du réseau d’ONG Réseau Action Climat Canada, peu avant la séance plénière. Elle a regretté cependant l’inclusion de “distractions dangereuses comme la capture et le stockage du carbone, le nucléaire”.
L’ONG WWF a qualifié le nouveau projet d’accord d’”amélioration” concernant les énergies fossiles, par rapport à la version précédente, tout en notant l’absence d’appel à une “sortie complète” des fossiles. Mais “si ce texte est adopté, il représenterait un moment significatif”, avait estimé Stephen Cornelius, de WWF.
Source : 7sur7.be