En Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, la guerre contre la contrebande s’intensifie. Le chef d’état-major de l’armée a récemment suspendu cinq fonctionnaires soupçonnés d’avoir facilité le trafic illégal de fèves dans la région frontalière de Sipilou, près de la Guinée forestière. Cette mesure s’inscrit dans une série d’actions visant à protéger un secteur clé pour l’économie nationale, alors que la campagne 2024/2025 débute sous tension.
Ces fonctionnaires, parmi lesquels figurent un préfet, un commissaire de police et un chef des douanes, sont accusés d’avoir permis le passage de cargaisons illégales en échange de pots-de-vin pouvant atteindre 15 millions FCFA par camion de 40 tonnes. Selon des sources citées par Reuters, cette pratique généralisée aurait favorisé un trafic de 50 000 à 75 000 tonnes de cacao vers la Guinée et le Libéria depuis le début de la saison en octobre dernier.
La flambée des prix mondiaux du cacao, doublant parfois en quelques mois, alimente la contrebande. Alors que le kilogramme de cacao est fixé à 1 800 FCFA en Côte d’Ivoire, les trafiquants offrent des primes de 200 à 500 FCFA par kilo, rendant l’exportation illégale plus lucrative. Ce phénomène impacte directement une filière vitale pour le pays, qui génère entre 15 et 20 % du PIB et fait vivre près de 5 millions de personnes.
Face à ce fléau, les autorités ivoiriennes ont réaffirmé leur engagement à démanteler les réseaux de contrebande et à combattre la corruption dans l’administration. Cependant, l’ampleur des gains économiques liés à cette activité illégale complique la tâche. « Tout le monde sait que des autorités locales facilitent ce trafic, mais les montants en jeu sont trop élevés pour être ignorés », confie Daouda Doumbia, un pisteur de cacao.
Le renforcement des contrôles aux frontières et les sanctions envers les fonctionnaires corrompus ne suffiront pas à enrayer le problème sans une stratégie globale. Cela inclut une revalorisation des prix aux producteurs locaux et une coopération régionale accrue pour freiner le commerce illicite de fèves, dont la destination finale est souvent l’Asie.
Alors que la Côte d’Ivoire entame une nouvelle année sur le qui-vive, le cacao reste un pilier de son économie et de sa réputation mondiale. Les défis sont immenses, mais l’enjeu crucial : garantir la pérennité de la filière tout en luttant contre les réseaux criminels et les pratiques de corruption qui la fragilisent.