La dépendance des économies africaines au dollar américain pose un défi de taille. Ce billet vert, maître des échanges internationaux, régit les importations stratégiques, les dettes publiques et les prix de biens essentiels sur le continent. Dans un contexte de volatilité monétaire et de crises économiques aggravées par cette suprématie, des voix appellent à une libération progressive du joug imposé par le dollar.
La domination du dollar fragilise les économies africaines. En Afrique subsaharienne, 60 % de la dette publique extérieure est libellée en dollar, exposant les pays à la moindre fluctuation de cette monnaie. Des crises récentes illustrent ces impacts : le Ghana a vu son cedi s’effondrer, l’Égypte lutte contre une inflation galopante, et le Nigeria peine à stabiliser son naira malgré des dépenses faramineuses. Ces exemples montrent l’ampleur des défis liés à cette dépendance.
La montée en puissance de la dé-dollarisation n’est pas limitée à l’Afrique. Des facteurs globaux, comme la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les tensions commerciales avec la Chine, ont accéléré cette dynamique. Alors que le dollar représentait 70 % des réserves mondiales au début des années 2000, il est tombé à 57,4 % en 2024, laissant place à d’autres devises comme le yuan chinois et l’euro. Les changements géopolitiques poussent l’Afrique à explorer de nouvelles alternatives.
Face à cette hégémonie, des initiatives africaines se multiplient. Le Nigeria a signé un accord de swap avec la Chine pour utiliser le yuan dans ses échanges commerciaux. En Zambie, le yuan a été adopté pour toutes les transactions avec Pékin, permettant au pays de limiter l’impact du dollar. Des accords similaires ont vu le jour en Égypte, en Éthiopie et avec des partenaires comme les Émirats arabes unis. Ces démarches traduisent une volonté de regagner une souveraineté économique.
Sur le plan régional, des outils comme le PAPSS, un système de paiement transfrontalier soutenu par la ZLECAf, offrent des solutions prometteuses. En permettant des échanges en monnaies locales, ces mécanismes pourraient transformer les 17 % d’échanges intra-africains en un levier majeur de croissance. Cependant, convaincre les opérateurs économiques d’adopter ces outils reste un défi de taille dans un marché encore fragmenté.
Réduire la dépendance au dollar nécessite des réformes profondes : stabilisation des monnaies locales, diversification des partenariats commerciaux et renforcement des infrastructures financières. Mais le risque de remplacer le dollar par une autre dépendance, comme le yuan, est réel. Pour construire un modèle économique souverain, l’Afrique doit privilégier une intégration régionale ambitieuse et valoriser ses ressources internes. Si le dollar règne encore, l’Afrique a l’opportunité d’écrire une nouvelle page de son histoire économique sur des bases solides et durables.