Dans le nord-ouest du Nigeria, le nom « Lakurawa » s’impose dans le discours sécuritaire. Présenté comme un « nouveau groupe armé » par l’armée nigériane, il est accusé de violences croissantes, notamment après une attaque meurtrière en novembre 2024 dans le village de Mera, proche de la frontière nigérienne. Ce groupe, décrit comme lié à des jihadistes sahéliens, incarne une menace que l’armée promet d’éliminer rapidement.
Contrairement aux affirmations militaires, « Lakurawa » n’est pas nouveau. D’après des experts locaux, ce groupe existe depuis plus d’une décennie. À l’origine, il s’agissait d’une milice d’autodéfense regroupant des éleveurs armés pour protéger les communautés contre les gangs. Avec le temps, cette organisation s’est fragmentée, se livrant désormais à des activités criminelles comme l’extorsion et les alliances avec des bandits locaux. Ce changement radical a intensifié son impact et ses méthodes.
Lakurawa opère dans une région marquée par une porosité des frontières et une prolifération des groupes armés. Originaire du Niger, il attire des membres du Mali, du Burkina Faso et même du Bénin. La situation géopolitique tendue, notamment après le coup d’État militaire au Niger en 2023, a exacerbé les tensions. La suspension temporaire de la coopération militaire avec Niamey a offert à ces groupes armés un espace pour s’étendre.
Lakurawa se distingue par ses connexions supposées avec l’État Islamique au Sahel (EIS) et ses ambitions de califat. Bien que son influence reste marginale dans une région dominée par des gangs non étatiques, cette affiliation inquiète. Le groupe illustre les défis croissants de la lutte contre le jihadisme, dans un contexte où les frontières entre criminels et idéologues restent floues.
Les interventions militaires contre Lakurawa soulèvent des controverses. En décembre 2024, un bombardement dans l’État de Sokoto a tué dix civils, dont des femmes et des enfants, selon des enquêtes indépendantes. L’armée nigériane persiste à attribuer ces pertes au groupe armé, mais ces erreurs nourrissent le ressentiment des communautés locales et compliquent davantage la lutte contre le terrorisme.
Au-delà des affrontements militaires, le phénomène Lakurawa reflète les tensions politiques entre le Niger et le Nigeria. Accusé de « déstabilisation » par son voisin, Abuja rejette les accusations et insiste sur la nécessité de coopérer. Cependant, la méfiance mutuelle entre les deux pays affaiblit les efforts collectifs, rendant incertain l’avenir de la lutte contre les groupes armés dans cette région fragile.