Plus d’un mois après la livraison de 30 000 tonnes de carburant offertes par la Russie, la gestion des fonds générés par cette cargaison suscite des interrogations en République centrafricaine. Ce don d’une valeur de plus de 36 millions de litres de carburant a été acheminé via le port de Limbé, au Cameroun, avant de rejoindre la RCA. Si cette aide est vue comme une bouffée d’oxygène pour l’économie centrafricaine, l’opacité qui entoure l’utilisation des revenus issus de sa vente alimente de vives préoccupations, notamment parmi la société civile et l’opposition.
Les critiques se multiplient, notamment de la part de l’opposition et de certains acteurs de la société civile, qui pointent du doigt l’absence de transparence dans la gestion des recettes générées par la vente du carburant. Martin Ziguélé, porte-parole du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC), dénonce le manque de clarté et appelle à l’intégration des revenus de cette vente dans les opérations financières de l’État. Selon lui, les fonds devraient être utilisés pour réduire l’endettement de l’État et alléger la trésorerie publique, qui dépend actuellement de prêts à des taux prohibitifs.
La Centrafrique, un pays enclavé, souffre depuis plusieurs années d’une grave crise économique exacerbée par des conflits internes et des difficultés d’approvisionnement. Le carburant, essentiel pour le fonctionnement de l’économie, représente une part importante des importations du pays. La Russie, en offrant cette cargaison, cherchait à renforcer ses liens avec la Centrafrique, un partenaire stratégique en Afrique centrale, tout en contribuant à la stabilisation économique du pays. Toutefois, dans un contexte où la gestion des ressources publiques est souvent mise en question, l’origine de cette aide soulève des interrogations sur la destination finale des fonds.
Si la vente du carburant russe pourrait apporter un soulagement temporaire aux finances publiques, l’absence de garanties sur sa gestion effective pourrait compromettre ses effets bénéfiques. Le ministre des Finances, Hervé Ndoba, a assuré que la gestion de cette cargaison serait discutée devant l’Assemblée nationale en avril prochain, lors de la révision du budget. Il promet également que les ressources provenant de ce don seront intégrées dans la nouvelle loi des finances, avec une transparence accrue. Reste à savoir si cette promesse saura apaiser les inquiétudes de la population et des acteurs politiques.
La société civile, pour sa part, réclame la vente intégrale du carburant en Centrafrique et la stabilisation des prix, qui ont déjà augmenté de près de 80 % depuis janvier 2023. Dans un contexte de hausse des coûts de la vie, la stabilité des prix du carburant est cruciale pour les Centrafricains, qui souffrent de l’impact direct sur leur quotidien. Les membres de la société civile insistent sur l’importance d’une gestion transparente et de la mise en place de mécanismes de contrôle pour éviter toute appropriation frauduleuse des ressources issues de ce don.
Le gouvernement centrafricain se trouve donc face à un défi majeur : celui de rassurer ses citoyens et ses partenaires sur la gestion des ressources publiques. La transparence dans la gestion des dons et des aides internationales reste un sujet de tension, non seulement en Centrafrique, mais aussi dans de nombreux pays africains confrontés à des situations similaires. La capacité des autorités à dissiper les doutes qui planent autour de ce carburant russe sera déterminante pour la confiance de la population envers les institutions de l’État et la stabilité économique du pays.