Le chantier de l’autoroute reliant Yaoundé à Douala, deux des principales villes du Cameroun, est au cœur de vives polémiques. Bien que le projet soit censé faciliter le trafic entre ces deux capitales, les difficultés demeurent. Le ministère des Travaux publics a annoncé cette semaine un budget prévisionnel de plus de 1000 milliards de francs CFA pour la deuxième phase des travaux, qui concerne 141 kilomètres de route. Cependant, la question du coût exorbitant et des retards accumulés soulève des interrogations sur la gestion des fonds publics.
En une décennie, seulement 60 kilomètres de cette autoroute ont été construits, avec un investissement déjà supérieur à 400 milliards de francs CFA. Le projet, lancé en 2014, avance à un rythme particulièrement lent, ce qui a conduit de nombreux experts à critiquer les choix techniques et économiques qui sous-tendent cette infrastructure. Augustin Kouam, ingénieur et expert en génie civil, pointe un manque de préparation initiale des études, qui aurait entraîné des choix inadaptés et une gestion inefficace des fonds alloués. Il soulève également la question de la surenchère des prix entre les entreprises concurrentes, ce qui rend le coût de construction du kilomètre d’autoroute particulièrement élevé au Cameroun, comparé à d’autres pays africains.
Le coût élevé des travaux est un sujet de débat constant au sein de la société camerounaise. En effet, l’expert Augustin Kouam souligne que des projets similaires, comme celui reliant Abidjan à Yamoussoukro, ont été réalisés en un temps bien plus court, pour un coût bien inférieur. Cette comparaison met en lumière les lacunes dans la gestion du projet camerounais. Le kilomètre d’autoroute au Cameroun coûte nettement plus cher que dans des pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Kenya ou le Ghana, soulevant des questions sur les raisons de ces disparités et sur les mécanismes de contrôle des marchés publics.
Le gouvernement justifie ce retard et ce coût élevé par la nécessité d’effectuer des études approfondies et de financer l’ensemble des travaux. Le ministre des Travaux publics a annoncé que le tronçon de 141 kilomètres, qui sera construit par l’entreprise chinoise China First Highway Engineering Company Ltd, démarrera au second semestre de cette année pour se terminer en 2028. Mais les observateurs restent sceptiques sur la possibilité de respecter ce calendrier, au regard des lenteurs passées.
Les critiques du projet ne se limitent pas à une question de coût. L’ancien président de Transparency International Cameroun, Akere Muna, dénonce ce qu’il appelle un « scandale de corruption ». Pour lui, l’inefficacité et les retards accumulés dans la construction de cette autoroute traduisent un échec flagrant de la gouvernance. Il évoque une situation « honteuse » pour le pays, qui peine à relier ses deux plus grandes villes par une autoroute digne de ce nom.
Si les autorités camerounaises se veulent rassurantes, en insistant sur la qualité des travaux et le contrôle des études, les experts appellent à un audit approfondi des dépenses et des décisions prises jusqu’à présent. Sans une remise en question radicale de la gestion du projet, l’infrastructure pourrait continuer à avancer à un rythme anormalement lent, voire à se transformer en une nouvelle « aberration » financière pour le pays, comme le prédit Augustin Kouam.