Une enquête récente publiée par Conflict Armament Research (CAR) met en lumière les origines des armes utilisées par les groupes jihadistes au Sahel, notamment le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim), affilié à al-Qaïda, et l’État islamique au Sahel. Le rapport, daté du 29 avril, révèle que 20% de l’arsenal de ces groupes provient directement des armées nationales de la région. L’étude se concentre sur le Sahel central, comprenant le Mali, le Niger et le Burkina Faso, et démontre que les jihadistes s’approvisionnent essentiellement en armes par le pillage des forces locales.
Les chercheurs de Conflict Armament Research affirment que les jihadistes accumulent leurs armes en menant des attaques ciblées contre les armées des pays du Sahel. Ces opérations ont permis de saisir des armes provenant non seulement des forces maliennes, nigériennes et burkinabè, mais aussi de celles de pays voisins comme la Côte d’Ivoire, le Liberia, la Libye, le Nigéria et le Tchad. Ce phénomène de “détournement” d’armements est devenu une part intégrante de la stratégie des jihadistes : affronter les autorités étatiques tout en se procurant les ressources nécessaires pour poursuivre leurs opérations militaires.
Le pillage des armées locales est la principale source d’approvisionnement pour les jihadistes, et cet aspect est devenu central dans leur double stratégie militaire. En plus de lutter contre les autorités nationales, les groupes comme le Jnim mettent en avant dans leur propagande leurs « butins de guerre », notamment des vidéos montrant les armes qu’ils ont récupérées. Cette récupération systématique est un pilier de leur combat, qui repose autant sur les capacités militaires des forces étatiques que sur leur capacité à se rééquiper en armes.
L’enquête a permis d’analyser plus de 700 armes récupérées lors d’opérations antiterroristes entre 2015 et 2023, notamment des fusils, des mitrailleuses, des lance-grenades et des mortiers. Selon les chercheurs, les jihadistes s’approvisionnent principalement à l’échelle locale, en raison des difficultés logistiques et géographiques de la région. Les armes les plus récentes, bien qu’elles soient rares, ont été obtenues par des attaques ciblées contre les forces militaires des pays du Sahel central. Toutefois, aucune preuve concluante n’a été trouvée concernant un approvisionnement direct en armes depuis l’extérieur de la région.
Les conclusions de l’enquête vont à l’encontre de plusieurs théories largement diffusées, notamment celles véhiculées sur les réseaux sociaux, qui prétendent que des puissances étrangères, comme la France, fourniraient des armes aux jihadistes. Les chercheurs réfutent également l’idée que les groupes jihadistes bénéficient d’un approvisionnement systématique de la part des “maisons mères” d’al-Qaïda ou de l’État islamique. Cette analyse met en lumière la réalité complexe du financement militaire des groupes jihadistes dans cette zone de guerre, qui repose davantage sur les dynamiques locales et les faibles capacités logistiques des groupes armés.
La question de l’approvisionnement en armes des jihadistes est essentielle pour comprendre les défis auxquels sont confrontées les forces de sécurité dans le Sahel. Bien que l’approvisionnement local via des pillages reste l’une des principales sources d’armement, l’intensification de la coopération régionale et internationale pour désarmer les forces locales et sécuriser les frontières pourrait restreindre les capacités des groupes jihadistes. La lutte contre le terrorisme dans cette région ne pourra être efficace que si les sources d’approvisionnement en armes sont sérieusement prises en compte et ciblées.