Le 5 mai 2025, l’Union africaine a lancé à Kampala la nouvelle phase de son Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA). Cette étape vise à renforcer la sécurité alimentaire et la nutrition sur le continent, en intégrant davantage l’agriculture durable et la résilience climatique dans les politiques agricoles africaines. L’objectif est ambitieux : augmenter de 45 % la production agroalimentaire, réduire de moitié les pertes post-récolte, et tripler le commerce intra-africain d’ici 2035.
Cette relance intervient après plusieurs décennies d’initiatives et d’engagements souvent restés lettre morte. Le PDDAA, adopté en 2003 à Maputo, avait fixé des objectifs clairs, notamment consacrer 10 % des budgets publics à l’agriculture et atteindre une croissance annuelle de 6 %. Depuis, le continent a multiplié les plans, comme la révolution verte africaine de 2006 ou la déclaration de Malabo en 2014, qui visaient à éradiquer la faim et à améliorer la productivité agricole. Malgré ces ambitions, les résultats tardent à se matérialiser pleinement.
Depuis 20 ans, les chefs d’État africains se réunissent régulièrement, de Maputo à Nairobi, en passant par Abuja et Malabo, pour renouveler leur engagement en faveur de l’agriculture et de la nutrition. En 2006, la conférence d’Abuja avait fixé un objectif de triplement de l’utilisation des engrais pour restaurer la fertilité des sols. En 2014, la Déclaration de Malabo avait renforcé les ambitions avec l’objectif de « faim zéro » d’ici 2025. Plus récemment, 2022 a été consacrée « Année de la nutrition » pour combattre la malnutrition infantile, et en 2024, un sommet à Nairobi a fixé des cibles précises pour restaurer la santé des sols et améliorer les pratiques agricoles.
La phase 2026-2035 du PDDAA mise sur une approche plus transversale, mêlant nutrition, santé des sols et résilience climatique. Toutefois, la réussite dépendra largement de la capacité des États à assurer un financement durable, à instaurer des mécanismes de suivi rigoureux, et à coordonner efficacement leurs politiques agricoles au niveau régional. Sans ces conditions, les engagements risquent de rester des promesses, alors que la demande alimentaire sur le continent ne cesse de croître.
Les défis sont multiples : infrastructures rurales insuffisantes, faiblesse des marchés locaux, accès limité aux technologies et aux engrais, sans oublier les effets du changement climatique. Les populations rurales, souvent les plus vulnérables, attendent des résultats tangibles. Par ailleurs, le triplement du commerce intra-africain représente une opportunité majeure pour stimuler les économies locales et renforcer la souveraineté alimentaire. Mais cela nécessitera une volonté politique forte et une mobilisation accrue des ressources publiques et privées.
Au-delà des chiffres et des engagements, c’est l’amélioration concrète de la vie des Africains qui doit primer. Réduire la malnutrition infantile, garantir un accès durable à une alimentation suffisante et de qualité, et permettre aux petits exploitants d’accroître leur productivité sont des enjeux cruciaux. La nouvelle phase du PDDAA doit sortir du cadre des déclarations pour générer des impacts mesurables, particulièrement pour les femmes et les jeunes, souvent au cœur de l’agriculture africaine.