Le Royaume-Uni a officiellement signé, ce jeudi 22 mai, un accord actant la rétrocession de l’archipel des Chagos à Maurice. Ce geste met un terme à un contentieux diplomatique long de plusieurs décennies. Toutefois, Londres conserve un bail de 99 ans sur l’île de Diego Garcia, qui abrite une base militaire stratégique opérée conjointement avec les États-Unis.
Dans une déclaration à la presse, le Premier ministre Keir Starmer a précisé que cet accord garantit le maintien des opérations militaires sur Diego Garcia, un site clé pour la défense et le renseignement britanniques. Le Royaume-Uni versera 101 millions de livres sterling par an (environ 120 millions d’euros), soit un total de plus de 4 milliards d’euros sur la durée du bail, tandis que les États-Unis prendront en charge les frais d’exploitation de la base. Le gouvernement britannique insiste sur l’absence d’alternative viable pour préserver cette infrastructure cruciale, notamment utilisée lors des conflits en Afghanistan et en Irak.
Ce compromis diplomatique intervient après plus d’un demi-siècle de litiges. En 1968, au moment de l’indépendance de Maurice, le Royaume-Uni avait conservé l’archipel des Chagos, expulsant quelque 2 000 habitants pour installer une base militaire à Diego Garcia. En 2019, la Cour internationale de Justice avait exigé la restitution des îles à Maurice, une position entérinée par l’Assemblée générale de l’ONU. Face à la pression internationale croissante, Londres avait fini par reconnaître, en octobre dernier, la souveraineté de Port-Louis sur l’archipel, sous réserve du maintien de sa présence militaire.
La signature de l’accord a été brièvement suspendue en raison d’une procédure judiciaire lancée par deux ressortissantes chagossiennes, Bernadette Dugasse et Bertrice Pompe. Elles reprochaient au gouvernement britannique de ne pas avoir consulté les populations concernées et exprimaient leurs doutes quant à la capacité des autorités mauriciennes à protéger les droits des Chagossiens. La Haute Cour de Londres a rejeté leur recours, estimant que bloquer l’accord nuirait aux intérêts publics britanniques.
Diego Garcia reste l’un des points névralgiques du dispositif militaire anglo-américain dans la région indo-pacifique. Son port, son aérodrome et ses infrastructures de communication avancées en font un levier militaire majeur pour les opérations à longue portée. Si la souveraineté nominale revient à Maurice, le contrôle opérationnel reste entre les mains des alliés occidentaux. Une configuration hybride qui pourrait faire débat à l’avenir.
L’accord marque peut-être la fin d’un différend diplomatique, mais il laisse ouvertes plusieurs questions sur les droits des anciens habitants. Expulsés de leurs terres, les Chagossiens attendent toujours une reconnaissance pleine et entière de leur sort et un retour possible sur les îles. Pour nombre d’entre eux, ce compromis entre États ne saurait remplacer la justice réparatrice.