L’armée américaine change de ton en Afrique. Lors de l’exercice militaire African Lion, le général Michael Langley a appelé les partenaires africains à se préparer à des opérations plus autonomes. « Il faut un partage des charges », a-t-il affirmé, en soulignant que l’objectif désormais est de renforcer la capacité des pays africains à gérer eux-mêmes leur sécurité.
Durant quatre semaines, des troupes venues de plus de 40 pays ont simulé des combats aériens, terrestres et maritimes, avec notamment des tirs de roquettes guidées par satellite et des manœuvres en milieu désertique. Cet exercice, bien qu’impressionnant, a marqué un tournant : le discours habituel sur la bonne gouvernance et la lutte contre les causes profondes de l’insécurité a été relégué au second plan. La priorité est désormais d’aider les alliés à devenir autonomes, une orientation validée par le Département américain de la Défense sous l’ère Trump.
Cette inflexion stratégique intervient alors que les États-Unis s’efforcent de construire une armée plus « légère et létale » et envisagent de réduire leur présence militaire, y compris en Afrique. Pendant ce temps, la Chine a renforcé ses formations militaires sur le continent et la Russie, notamment par ses mercenaires, s’impose comme un partenaire sécuritaire en Afrique du Nord, de l’Ouest et du Centre. Dans ce contexte, les forces américaines se concentrent désormais sur la protection de leur territoire et la recherche de partenaires prêts à partager les responsabilités.
Le retrait progressif des États-Unis se heurte à la réalité : de nombreuses armées africaines restent mal équipées face à des groupes insurgés qui gagnent du terrain. Un haut responsable américain a récemment rappelé que l’Afrique est désormais l’épicentre des activités d’al-Qaïda et de l’État islamique, dont les filiales régionales se renforcent. Le Sahel, déjà marqué par l’insécurité et les régimes militaires, concentre plus de la moitié des victimes d’attentats dans le monde, tandis que la Somalie reste le pays africain le plus touché hors du Sahel.
Le général Langley reconnaît que malgré l’appui aérien américain, les forces somaliennes peinent à sécuriser le pays : « L’armée nationale somalienne tente de trouver sa voie. Il lui reste encore des lacunes sur le terrain. » En Afrique de l’Ouest, les perspectives sont tout aussi incertaines. Pour l’analyste Beverly Ochieng, les armées locales, souvent mal équipées et disposant de faibles capacités aériennes, ne sont pas prêtes à contenir l’avancée des groupes armés. Elle rappelle que même avant la réduction de l’influence occidentale, les soutiens militaires faisaient déjà défaut.
Dans ce contexte, la Chine et la Russie tirent leur épingle du jeu. Tandis que Pékin intensifie ses formations militaires sur le continent, Moscou consolide sa présence grâce à ses sociétés de sécurité privées, séduisant des régimes en quête de partenaires plus accommodants. La stratégie américaine, désormais plus centrée sur ses propres intérêts, risque d’ouvrir la porte à une redistribution des cartes en matière de sécurité sur le continent.