L’ancien président gabonais Ali Bongo Ondimba, son épouse Sylvia et leur fils Noureddin ont été entendus à Paris par deux juges d’instruction du pôle « crimes contre l’humanité » du tribunal judiciaire, dans le cadre d’une plainte déposée en mai 2024 contre les autorités gabonaises. Les plaignants dénoncent des faits de séquestration, détention arbitraire et actes de torture commis à leur encontre après le coup d’État militaire d’août 2023.
Ali Bongo a témoigné en tant que partie civile, évoquant les 21 mois passés sous surveillance, sans liberté réelle de mouvement, dans sa résidence de La Sablière, malgré l’absence d’assignation judiciaire formelle. Ses avocats insistent : ce confinement constituait une détention de fait. L’ex-chef d’État a aussi exprimé l’inquiétude constante ressentie pour sa famille, détenue dans des conditions qu’il décrit comme coercitives, jusqu’à leur évacuation vers l’Angola, puis Londres, en mai 2024.
Le 30 août 2023, l’armée gabonaise renversait Ali Bongo et installait le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Les nouveaux dirigeants promettaient alors une transition démocratique, accusant l’ancien président de gouvernance autoritaire et de corruption. Depuis, plusieurs proches de Bongo, dont son fils Noureddin, ont été interpellés ou placés en détention. Mais le sort réservé à la famille présidentielle, notamment les conditions de leur exfiltration, était resté opaque.
Pour les Bongo, cette plainte à Paris représente une tentative de faire reconnaître des violations graves de leurs droits fondamentaux. Leur avocate, Clara Gérard-Rodriguez, affirme que ses clients ont subi des pressions psychologiques et physiques visant à leur extorquer des signatures de documents permettant la saisie de biens, notamment immobiliers. Libreville, de son côté, rejette catégoriquement ces allégations et affirme que la justice gabonaise poursuivra les procédures, même en l’absence des mis en cause.
L’ouverture de cette procédure en France, qui touche directement l’ancien régime, complique encore les relations entre les nouvelles autorités gabonaises et les soutiens internationaux d’Ali Bongo. Pour Paris, l’affaire soulève des questions diplomatiques, mais surtout juridiques, dans un contexte où les plaintes pour crimes contre l’humanité sont rarement déclenchées contre un pouvoir encore en place dans un pays tiers.
Alors que le Gabon tente de redéfinir ses institutions après des décennies de règne dynastique, cette affaire relance le débat sur la légitimité de la transition en cours et sur les limites du pouvoir militaire. Elle pose aussi une question essentielle : les Bongo cherchent-ils réparation ou une revanche judiciaire ? La suite de la procédure, et la réponse des juges français, apportera peut-être un début de vérité – ou un nouvel élément de discorde.