Le parquet de N’Djamena a requis, le mercredi 2 juillet 2025, deux ans de prison ferme à l’encontre du journaliste Olivier Monodji, directeur du journal Le Pays et correspondant de Radio France Internationale (RFI), accusé avec six autres personnes « d’intelligence avec des agents d’une puissance étrangère », en lien avec des ressortissants russes. Quatre des prévenus sont détenus depuis quatre mois, deux sont libres, et un est en fuite. Le tribunal a rejeté toutes les demandes de mise en liberté provisoire.
Selon l’accusation, les prévenus auraient rencontré, à la mi-2024, des citoyens russes supposément affiliés au groupe paramilitaire Wagner. Le parquet affirme qu’ils auraient reçu de l’argent en échange de services divers : aide logistique, organisation de rencontres, recherches, ou encore publication d’articles sur l’ouverture de la « maison russe » à N’Djamena. Olivier Monodji, visiblement affaibli physiquement, a pourtant affirmé devant le juge garder le moral, même s’il a été reconduit en détention à la prison de Klessoum.
Cette affaire intervient alors que les relations entre N’Djamena et Moscou suscitent des interrogations, notamment depuis l’implantation de structures culturelles russes sur le continent africain, perçues comme des relais d’influence. Dans ce contexte, toute interaction avec des émissaires russes devient hautement politique, en particulier pour des journalistes locaux souvent pris en étau entre devoir d’informer et soupçons d’espionnage. Les prévenus nient toute activité contraire à leur déontologie professionnelle.
Les avocats de la défense ont plaidé la relaxe, dénonçant une affaire vide et politiquement instrumentalisée. Ils soutiennent que les documents échangés étaient publics et que les journalistes ont agi dans le cadre de leurs fonctions. Autre point soulevé : les Russes n’auraient jamais déclaré leur identité réelle. La défense demande par ailleurs l’annulation des poursuites pour vice de procédure, arguant que le dossier relève du droit de la presse et aurait dû être instruit par la Haute Autorité des Médias (Hama), non par la justice pénale.
Le président de l’Union des journalistes tchadiens, Abbas Mahmoud Tahir, a publiquement dénoncé des poursuites disproportionnées. Pour lui, le dossier n’est qu’un prétexte pour intimider la presse indépendante : « Ce qui est reproché à nos collègues relève d’un éventuel délit de presse. Dans ce cas, la loi prévoit des amendes ou une suspension des publications, mais certainement pas l’incarcération », a-t-il déclaré. Plusieurs organisations de défense de la liberté de la presse suivent désormais l’affaire de près.
Le verdict à venir sera scruté à l’échelle nationale comme internationale. Il dira si le Tchad entend préserver un espace médiatique pluraliste ou s’inscrit dans une dynamique de répression sous prétexte de sécurité. La ligne est mince entre lutte contre l’ingérence étrangère et atteinte à la liberté de la presse — un équilibre que le tribunal devra évaluer avec lucidité.