À la tête de l’Union africaine depuis février, le président angolais João Lourenço multiplie les initiatives pour renouer le dialogue entre l’UA et les régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Après avoir dépêché en juin son ministre des Affaires étrangères dans les capitales sahéliennes, Lourenço a échangé par téléphone le 28 juin avec le général Abdourahamane Tiani, président de la transition nigérienne. Une démarche rare, qui marque une inflexion stratégique dans la posture de l’organisation continentale.
L’objectif affiché de cette médiation est clair : rétablir un minimum de communication entre l’UA et la Confédération des États du Sahel (AES), tout en recentrant les discussions sur les enjeux sécuritaires. L’Angola entend répondre aux critiques récurrentes des États sahéliens, qui dénoncent leur exclusion croissante des instances panafricaines. En particulier, l’absence du Niger lors d’un sommet de l’UA en 2025, perçue comme une humiliation, avait ravivé les tensions. La mission confiée à Tete António, le chef de la diplomatie angolaise, s’inscrit donc dans une volonté d’apaisement, avec un retour prévu à Niamey pour poursuivre les consultations.
Le climat de rupture entre l’UA et l’AES s’est cristallisé après les coups d’État successifs dans les trois pays, entraînant leur suspension des instances panafricaines. Sous la présidence de Moussa Faki Mahamat, l’UA avait adopté une ligne ferme, soutenant les sanctions de la Cédéao. Mais avec l’arrivée de Mahmoud Ali Youssouf à la tête de la Commission, un changement de ton s’opère. La nomination récente du diplomate gambien Mamadou Tangara comme représentant spécial de l’UA pour le Mali et le Sahel, avec résidence à Bamako, en est un autre signe.
La médiation angolaise, si elle est saluée à Bamako, Ouagadougou et Niamey, reste fragile. L’UA n’a pas encore levé la suspension des trois pays, et les désaccords institutionnels persistent. Lourenço tente de trouver un équilibre entre le respect des principes de l’UA — notamment la condamnation des prises de pouvoir par la force — et la nécessité d’un dialogue pragmatique face à la dégradation sécuritaire. Les violences jihadistes continuent de s’intensifier dans la région, forçant à une forme de realpolitik.
Le rôle de l’Angola dans cette tentative de réconciliation ne doit rien au hasard. Déjà impliqué dans les efforts de paix dans les Grands Lacs, notamment dans la récente détente entre le Rwanda et la RDC, le pays de João Lourenço ambitionne de s’imposer comme un médiateur continental. Une posture nouvelle pour un État longtemps discret sur la scène diplomatique africaine, mais désormais en quête d’un leadership politique au-delà du pétrole.