Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la transition au Gabon, officialise ce 5 juillet à Libreville la création de son propre parti politique, baptisé Les Bâtisseurs. L’événement se tient au Palais des Sports de Libreville, où les partisans du chef de l’État sont appelés à venir s’inscrire munis de leur carte d’identité et de leur Numéro d’identification personnel (NIP). Ce lancement, plusieurs fois reporté, marque un tournant dans le paysage politique post-putsch, à quelques mois des élections législatives prévues en septembre.
Le nouveau parti s’annonce structuré : dix vice-présidents pour représenter les neuf provinces du Gabon et la diaspora, un secrétaire général, des adjoints… Tout est prêt pour donner aux Bâtisseurs une ossature solide, à même de porter une coalition présidentielle. C’est bien l’objectif non dissimulé : constituer un socle politique pour soutenir la majorité parlementaire que Brice Oligui espère bâtir après le scrutin. Ses proches défendent un projet « moderne, responsable et ambitieux ». Pourtant, l’arrivée massive d’anciens cadres du PDG (Parti démocratique gabonais, ex-parti au pouvoir) alimente les soupçons sur la réelle nature du changement.
Depuis la chute d’Ali Bongo en août 2023, Oligui Nguema incarne une promesse de rupture avec l’ancien système. Mais la création des Bâtisseurs vient brouiller cette image. Pour de nombreux observateurs, le nouveau parti porte les marques d’un recyclage politique plutôt que d’une refondation. Certains acteurs, comme l’avocat et homme politique Anges-Kevin Nzigou, ont préféré garder leur distance, tout en soutenant l’action du président. Ces réserves traduisent une méfiance grandissante quant à la sincérité du processus de transition.
Sur le plan légal, un point faisait polémique : l’article 82 du Code électoral, qui interdit à un élu indépendant de rejoindre un parti politique pendant son mandat, sous peine d’annulation de son élection. Saisie sur la question, la Cour constitutionnelle a statué en faveur du camp présidentiel, estimant que cette interdiction ne concerne que les partis existants, et non la création de nouvelles formations. Cette lecture ouvre la voie à une adhésion des élus indépendants aux Bâtisseurs, renforçant potentiellement l’influence d’Oligui au Parlement.
La création des Bâtisseurs intervient à un moment clé. À deux mois des législatives, le président cherche à consolider son emprise sur les institutions. L’adhésion des figures de l’ancien régime pourrait garantir une base électorale étendue, mais au prix d’un flou sur l’orientation réelle du changement promis. En parallèle, les partis traditionnels peinent à se positionner face à une formation présidentielle en gestation, dont le discours reste encore flou sur le fond idéologique.
En pariant sur un parti à son image, Oligui Nguema prend le risque de réveiller les critiques sur une transition maquillée. Si la manœuvre peut lui offrir une majorité parlementaire, elle pourrait aussi miner sa crédibilité auprès d’une partie de l’opinion, qui attendait davantage qu’un simple transfert de cadres et de sigles. Les prochaines semaines diront si les Bâtisseurs incarnent une véritable ambition politique ou simplement une stratégie de survie pour les élites d’hier.