Le tribunal de grande instance de Lomé a condamné, le 5 juillet, dix-neuf personnes à un an de prison dont onze mois avec sursis, à la suite des manifestations organisées les 26, 27 et 28 juin dans la capitale togolaise. Douze autres prévenus, parmi lesquels un mineur, ont été relaxés. Ces manifestants avaient été interpellés dans un contexte de contestation politique à l’appel d’artistes et d’influenceurs de la diaspora demandant la démission du président Faure Gnassingbé.
Au cœur de l’audience, les avocats de la défense ont dénoncé la manière dont leurs clients ont été arrêtés, évoquant des poursuites jusque dans les domiciles des manifestants. Me Paul Dodzi Apévon, figure du collectif d’avocats, s’est insurgé contre cette méthode : « Quand une manifestation est illégale, la mission des forces de l’ordre est de la disperser, pas de traquer les citoyens jusque chez eux, ni d’utiliser des gaz lacrymogènes dans les habitations. » Il a également pointé l’absence de preuves concrètes établissant la participation de ses clients aux rassemblements incriminés.
Ces événements s’inscrivent dans un contexte de crispation politique persistante au Togo. Depuis plusieurs années, le régime de Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005 après la mort de son père Gnassingbé Eyadéma, est régulièrement contesté pour sa gestion autoritaire du pays et pour le verrouillage de l’espace public. Les manifestations de juin, bien que interdites selon le gouvernement, ont donné lieu à une mobilisation visible, malgré une répression sévère. Sept personnes ont été tuées et plusieurs blessées selon les chiffres officiels.
Le pouvoir justifie sa fermeté en arguant que ces rassemblements répondaient à des « appels à troubler l’ordre public ». Lors d’une rencontre avec les représentants diplomatiques, le ministre de l’Administration territoriale, Hodabalo Awadé, a minimisé l’ampleur du mouvement, affirmant que seuls deux quartiers de Lomé y avaient pris part et qualifiant les événements de simples « soulèvements », sans ancrage populaire massif.
Pour les avocats de la défense, le procès a mis en lumière des dysfonctionnements profonds dans le traitement judiciaire des affaires liées aux manifestations. Me Apévon a insisté sur l’inversion de la charge de la preuve : « Ce n’est pas aux accusés de démontrer leur innocence, mais au parquet de prouver leur culpabilité, ce qu’il n’a pas fait. » Cette dérive procédurale, selon lui, porte atteinte aux principes fondamentaux de l’État de droit.
En dépit de la répression, une partie de la société civile continue de dénoncer l’étouffement des libertés publiques et la criminalisation des voix dissidentes. Les réseaux sociaux, relais des appels à manifester, restent très surveillés. Mais l’élan de mobilisation observé, notamment en diaspora, suggère qu’une frange de la population reste déterminée à faire entendre son désaccord, malgré les risques encourus.