Un rapport des Nations unies à paraître révèle une intensification inédite de la contrebande de minerais en provenance de l’est de la République démocratique du Congo vers le Rwanda. Selon les experts onusiens, cette hausse est directement liée à l’implication de l’armée rwandaise, jugée « cruciale » dans la multiplication des exportations illégales, dans un contexte marqué par la présence armée du M23 sur de larges portions du Nord-Kivu.
Les minerais extraits illégalement – principalement de l’étain, du coltan et du tungstène – sont acheminés vers le Rwanda, où ils sont mélangés à la production nationale. Une fois reconditionnés et étiquetés comme produits rwandais, ces minerais prennent légalement la route des marchés internationaux. Pour Jean-Pierre Okenda, directeur de l’ONG congolaise La Sentinelle des Ressources Naturelles, cette stratégie s’inscrit dans une logique économique : Kigali tente de compenser à la fois le coût de son implication militaire en RDC et la suspension de certaines aides internationales.
En zone de conflit, garantir la traçabilité des minerais devient un casse-tête. Mickael Daudin, responsable du programme ITSCI, un mécanisme chargé du suivi des chaînes d’approvisionnement dans le secteur minier, témoigne des difficultés rencontrées. Dans le territoire de Walikale, au Nord-Kivu, ITSCI a pu récemment redéployer ses équipes après le retrait du M23. Mais l’incertitude demeure. La traçabilité ne peut reprendre que dans des conditions de stabilité minimale, ce qui reste précaire dans de nombreuses zones sous influence armée.
Au-delà du Rwanda, d’autres pays de la région sont concernés. Le rapport de l’ONU souligne également une hausse notable de la contrebande d’or vers l’Ouganda. Ces circuits parallèles alimentent une économie de guerre bien structurée, échappant au contrôle de l’État congolais et entretenant un système de prédation transfrontalière. Cette dynamique n’est pas nouvelle, mais elle semble s’être renforcée à mesure que le conflit s’installe et que les mécanismes de gouvernance se désintègrent sur le terrain.
Le lien entre l’instabilité sécuritaire et l’exploitation illégale des ressources naturelles n’est plus à démontrer dans l’est de la RDC. Ce modèle, où les groupes armés et leurs soutiens extérieurs puisent dans les richesses du sous-sol pour financer leurs opérations, perdure depuis plus de deux décennies. Les sanctions internationales peinent à endiguer le phénomène, en partie à cause du manque de volonté politique régionale et du flou entourant les circuits commerciaux de certains pays voisins.
Ce rapport des Nations unies relance la question de la responsabilité des États et des multinationales dans cette chaîne de contrebande. Si la communauté internationale condamne régulièrement les exactions dans l’est de la RDC, peu d’actions concrètes ciblent les structures économiques qui profitent de cette instabilité. L’absence de mécanismes efficaces de contrôle et de sanctions laisse le champ libre à un pillage organisé, au détriment des populations locales et de l’intégrité territoriale de la RDC.