En Gambie, l’Assemblée nationale a rejeté le projet de Constitution 2024 lors du vote du 7 juillet, n’atteignant pas la majorité des trois quarts nécessaire pour entamer l’étape suivante du processus législatif. Avec seulement 35 voix favorables sur les 44 requises, contre 21 votes défavorables et une absence, le texte ne pourra pas avancer, selon le ministère de la Justice.
Ce rejet représente un sérieux revers pour le gouvernement, qui portait ce projet comme un pilier de la transition post-Jammeh. Le ministère de la Justice, tout en prenant acte de l’échec, a qualifié le résultat de coup dur pour les efforts de réforme du cadre institutionnel, soulignant que le texte visait à renforcer la démocratie, l’État de droit et la justice transitionnelle dans un pays encore marqué par des décennies de régime autoritaire.
La révision constitutionnelle est en cours depuis 2017, avec la mise en place de la Constitutional Review Commission (CRC), chargée d’élaborer un nouveau texte à la suite de larges consultations nationales et auprès de la diaspora. Un premier projet, finalisé en 2020, avait déjà été rejeté par le Parlement, illustrant la polarisation politique persistante autour de cette réforme.
Cet échec souligne la fragilité du consensus politique en Gambie. Alors que le président Adama Barrow, initialement élu comme figure de rupture avec l’ancien régime, peine à rallier une majorité autour d’un projet de société commun, l’avenir institutionnel du pays reste incertain. Le risque est désormais celui d’un enlisement, voire d’un retour progressif aux pratiques institutionnelles du passé.
Malgré le rejet parlementaire, le ministère de la Justice affirme vouloir explorer d’autres pistes pour moderniser le cadre constitutionnel. Parmi les options envisagées : des amendements ciblés de la Constitution de 1997 ou le recours à un référendum. Le gouvernement réitère également son engagement à mener ces réformes sur la base de la responsabilité, de la souveraineté populaire et de la transparence.
Dans ce processus, les autorités gambiennes ont reçu l’appui de plusieurs acteurs internationaux, dont le PNUD, l’Union européenne, International IDEA et des personnalités comme Goodluck Jonathan ou Mohamed Ibn Chambas. Des organisations locales telles que Gambia Participates ou la National Human Rights Commission ont également été mobilisées. Ce tissu d’appui pourrait peser pour maintenir la pression et encourager la relance du processus.
Ce nouvel échec montre à quel point la transformation du système politique gambien se heurte à des résistances structurelles. Si l’intention de rompre avec le legs du régime de Yahya Jammeh est réelle, elle se heurte à un Parlement divisé, à des jeux de pouvoir internes, et à une population encore en attente d’un signal clair de changement. Le défi du pouvoir exécutif sera désormais de reconstruire un minimum de consensus politique pour sortir d’une transition institutionnelle qui s’enlise.