Sans grande surprise, Paul Biya a annoncé le 13 juillet 2025 sa candidature à l’élection présidentielle prévue le 12 octobre. À 92 ans, le chef de l’État camerounais prolonge un scénario politique désormais bien rodé : répondre favorablement à des « appels » orchestrés par ses partisans, comme à chaque élection depuis l’instauration du multipartisme en 1990.
Depuis le début de l’année, des signaux annonciateurs s’accumulaient : propos équivoques dans ses vœux à la Nation, messages cryptés sur les réseaux sociaux, entretiens avec des cadres du RDPC menés par le tout-puissant secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh. En coulisses, le processus habituel s’est enclenché : motions de soutien, appels venus des dix régions et de la diaspora, sollicitations répétées des élites administratives, politiques et traditionnelles pour le « supplier » de se représenter.
Ce mécanisme d’« appels à candidature » remonte en réalité aux pratiques du régime d’Ahmadou Ahidjo, auquel Paul Biya a succédé en 1982. Dès 1992, au moment de la première présidentielle pluraliste, ce sont déjà des personnalités économiques proches du régime qui avaient lancé un « appel » en faveur d’un scrutin anticipé. Depuis lors, chaque cycle électoral a vu se répéter ce ballet ritualisé, masquant difficilement une centralisation extrême du pouvoir autour du chef de l’État.
Ce rituel, sous des airs de consultation populaire, sert avant tout à valider l’ordre établi. Comme le souligne le philosophe camerounais Paul-Aarons Ngomo, ces appels ne traduisent ni vitalité démocratique ni adhésion populaire réelle. Ils participent plutôt d’une mise en scène de la légitimité, où le pouvoir ne se conquiert plus par la compétition, mais s’implore et se reconduit par acclamation. Le pluralisme y est vidé de sa substance, et toute alternance neutralisée.
Pour les élites locales du RDPC, ces appels sont autant de cartes à jouer pour conserver leur position dans la hiérarchie du pouvoir. En 2011, le Premier ministre d’alors, Philémon Yang, n’avait pas hésité à publier cinq volumes d’hommages à Paul Biya, illustrant jusqu’à l’absurde ce culte de la personnalité. Derrière la rhétorique dithyrambique se cachent des arrangements clientélistes visant à préserver des privilèges, en se mettant en scène comme « fidèles serviteurs » du président.
Loin d’être de simples formalités protocolaires, ces appels traduisent l’enlisement d’un système politique figé. L’usage récurrent de cette stratégie démontre à quel point le Cameroun peine à envisager la relève au sommet de l’État. Alors que Paul Biya cumule plus de quatre décennies de pouvoir, l’annonce de sa candidature illustre un refus persistant d’ouvrir un véritable débat démocratique, au mépris d’une jeunesse de plus en plus déconnectée de ces mises en scène politiques.