Le Tchad et le Niger ont entamé, le 18 juin 2025, des discussions pour se relier par fibre optique dans le cadre de la Dorsale transsaharienne (DTS). L’initiative vise à briser leur isolement numérique en les connectant aux câbles sous-marins via leurs voisins côtiers. Comme eux, quatorze autres pays africains dépourvus de littoral restent dépendants de corridors transfrontaliers pour accéder à la connectivité internationale.
Ces câbles, qui transportent plus de 95 % du trafic mondial, assurent des débits élevés à faible coût, bien plus efficaces que les satellites. Pour l’Afrique, leur déploiement progressif avec des projets comme SAT-3, ACE, WACS, 2Africa ou Equiano a multiplié les points d’atterrissement dans les pays côtiers, diversifiant les sources d’approvisionnement et renforçant la résilience des réseaux. Mais pour les pays enclavés, cette infrastructure reste inaccessible sans accords bilatéraux et corridors terrestres.
Le Tchad illustre ces contraintes. Sa seule liaison active dépend du Cameroun, alors que la connexion avec le Soudan a été interrompue par la guerre. D’autres pays tentent de contourner ce verrouillage. Le Mali s’est rapproché de la Guinée, reliée au câble ACE, tandis que le Tchad explore des liens avec l’Algérie, la Libye, le Nigeria et surtout l’Égypte, dotée d’un réseau exceptionnel avec plus de 15 câbles. Ces stratégies visent à diversifier les routes numériques et à éviter une dépendance unique, source de vulnérabilités.
Si ces interconnexions offrent des perspectives de désenclavement numérique, elles s’accompagnent de défis. Les coûts de transit imposés par les pays intermédiaires, les tensions géopolitiques et les limites techniques des dorsales régionales réduisent l’efficacité de ces investissements. La guerre au Soudan, les blocages en Libye ou les tensions autour des infrastructures au Cameroun rappellent que la résilience numérique des pays enclavés reste fragile et exposée aux crises politiques.
Face à ces blocages, de nouvelles solutions émergent. Le satellite, longtemps marginalisé, retrouve un rôle avec Starlink, OneWeb ou Eutelsat Konnect, qui proposent des services haut débit sans dépendance terrestre. Le Zimbabwe, par exemple, explore des partenariats multiples pour réduire ses coûts de connectivité. Parallèlement, les points d’échange Internet (IXP) et les centres de données locaux se développent pour héberger et acheminer le trafic sur place, limitant la dépendance aux câbles internationaux.
Au-delà de l’enjeu technique, la question de la connectivité des pays enclavés touche directement à la souveraineté numérique du continent. Sans maîtrise de leurs interconnexions, ces États resteront prisonniers de choix géopolitiques extérieurs et dépendants de multinationales privées. L’avenir de leur intégration dans l’économie numérique mondiale dépendra de leur capacité à diversifier les routes, mutualiser les investissements régionaux et peser dans les négociations internationales sur les infrastructures numériques.