Le président nigérian Bola Tinubu a approuvé une interdiction immédiate de six mois sur l’exportation des noix de karité brutes. L’annonce a été faite par le vice-président Kashim Shettima lors d’une rencontre multipartite à Abuja. Cette suspension vise à protéger la filière locale et à renforcer la transformation industrielle du karité au Nigeria.
Selon le vice-président, cette mesure n’a pas vocation à freiner le commerce international mais à canaliser la production nationale vers la transformation locale. L’exécutif estime que cette réorientation permettra au Nigeria de générer à court terme près de 300 millions de dollars par an, tout en créant des emplois et en soutenant les industries locales. Le gouvernement veut ainsi transformer le pays d’exportateur de matières premières en fournisseur mondial de beurre de karité, d’huile et de produits dérivés.
Le Nigeria produit environ 40 % de la récolte mondiale de karité, soit près de 350 000 tonnes par an réparties dans 30 États. Pourtant, il ne capte qu’à peine 1 % du marché mondial du secteur, évalué à 6,5 milliards de dollars. Ce paradoxe s’explique par l’importance du commerce informel et transfrontalier, qui détourne chaque année plus de 90 000 tonnes de noix brutes, selon le ministre de l’Agriculture Abubakar Kyari.
Le gouvernement espère que cette suspension forcera les investisseurs et transformateurs à s’implanter davantage dans le pays. L’ambition affichée est d’industrialiser la filière, de stimuler les économies rurales et d’accroître la participation des femmes, traditionnellement actives dans la récolte et le traitement du karité. Abuja veut également renforcer la position du Nigeria sur le marché mondial face à ses concurrents ouest-africains, comme le Ghana et le Burkina Faso.
Si la décision pourrait stimuler l’industrie locale, elle comporte aussi des risques. L’interdiction pourrait fragiliser les petits producteurs dépendants du commerce transfrontalier pour écouler leur production. Certains observateurs redoutent aussi une montée de la contrebande si l’État ne parvient pas à réguler efficacement les flux. L’équilibre entre protection de la filière et maintien des revenus paysans reste donc fragile.
Cette suspension s’inscrit dans une stratégie plus large de substitution aux importations et de promotion de l’industrie locale, un axe que Bola Tinubu a multiplié depuis son arrivée au pouvoir. Le succès de cette initiative dépendra de la capacité du gouvernement à mettre en place des infrastructures de transformation compétitives, à lutter contre le commerce informel et à intégrer davantage de producteurs dans les circuits officiels. Sans cela, l’interdiction pourrait rester une mesure symbolique plutôt qu’un véritable tournant économique.