À l’occasion du troisième anniversaire de son arrivée au pouvoir, le capitaine Ibrahim Traoré a accusé plusieurs pays voisins, dont la Côte d’Ivoire, de chercher à déstabiliser le Burkina Faso. Face à la presse, le chef de la transition a affirmé que des forces étrangères encerclent son pays et servent de relais aux groupes armés actifs dans la région.
Traoré reproche à Abidjan d’héberger des opposants burkinabè et de constituer une base arrière pour les terroristes. Selon lui, il existerait un « pacte de non-agression » entre les autorités ivoiriennes et certains groupes armés. Le président de la transition a également accusé six fonctionnaires ivoiriens arrêtés fin août d’avoir franchi la frontière pour mener des activités d’espionnage.
Ces déclarations interviennent dans un climat diplomatique déjà dégradé. En juillet dernier, l’activiste burkinabè Alino Faso est décédé en détention en Côte d’Ivoire, une affaire qui a provoqué une vive controverse. Ouagadougou dénonce un décès lié à des actes de torture, tandis qu’Abidjan parle de suicide. La société civile ivoirienne a demandé une enquête indépendante, sans parvenir pour l’instant à apaiser les tensions bilatérales.
Cette nouvelle escalade verbale complique davantage les relations entre les deux capitales, à un moment où l’Alliance des États du Sahel (AES) tente d’affirmer son unité face aux défis sécuritaires. Ibrahim Traoré a aussi annoncé la venue prochaine d’un médiateur de l’Union africaine (UA), tout en s’interrogeant sur la suspension du Burkina Faso de cette organisation depuis août 2024. Le Conseil paix et sécurité de l’UA avait alors conditionné un retour de Ouagadougou à un rétablissement de l’ordre constitutionnel.
La crise diplomatique entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire illustre la fragilité des relations entre pays voisins confrontés à la menace djihadiste. Alors que la coopération sécuritaire régionale est souvent présentée comme une priorité, les accusations réciproques et la méfiance politique entravent la mise en place de stratégies communes. L’attitude d’Abidjan, qui cherche à maintenir ses intérêts sécuritaires tout en limitant son exposition au conflit burkinabè, alimente la perception de duplicité dénoncée par Ouagadougou.
Au-delà de la polémique, cette confrontation révèle la difficulté des États de la région à surmonter les logiques de rivalité pour affronter une menace transnationale. Si le discours de Traoré vise à mobiliser l’opinion burkinabè autour de la souveraineté nationale, il risque aussi d’isoler davantage son pays sur la scène régionale. La médiation annoncée de l’Union africaine sera un test pour mesurer la capacité des institutions africaines à restaurer un dialogue entre voisins désormais en opposition frontale.