Le Japon a décidé d’annuler un programme d’échanges culturels et de formations professionnelles avec quatre pays africains – le Nigeria, le Ghana, le Mozambique et la Tanzanie – après une vague de désinformation sur les réseaux sociaux. La rumeur, alimentée par des discours xénophobes, prétendait que le projet visait à installer massivement des migrants africains dans des villes japonaises. Cette polémique a poussé les autorités locales à renoncer, alors que le pays connaît un débat croissant sur l’immigration.
L’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), à l’origine du programme, a reconnu que la communication autour du projet avait été insuffisante. Présentée lors de la TICAD fin août 2025, l’initiative devait permettre à de jeunes Africains de séjourner au Japon pendant un ou deux mois afin d’apprendre la langue, suivre des formations professionnelles et découvrir la discipline sportive par le baseball. En aucun cas il ne s’agissait d’un programme d’immigration, mais la confusion a rapidement pris de l’ampleur.
Les villes japonaises retenues pour accueillir ces jeunes Africains – déjà impliquées lors des Jeux olympiques de Tokyo 2020 – ont été confrontées à une avalanche de plaintes d’habitants, inquiets de voir arriver des “migrants en masse”. Des médias africains ont aggravé le malentendu en annonçant, à tort, que des visas permanents seraient délivrés. Dans un climat déjà tendu par la montée du nationalisme, l’affaire a nourri un discours hostile aux étrangers.
Ce recul survient alors que le Japon, confronté au vieillissement accéléré de sa population, doit pourtant attirer de la main-d’œuvre étrangère. Mais la question de l’immigration divise profondément. Lors des dernières élections sénatoriales, le parti nationaliste Sanseito a gagné du terrain en prônant un slogan clair : “Les Japonais d’abord”. À ce jour, les étrangers représentent seulement 3 % de la population japonaise, dont à peine 25 000 Africains.
Au Nigeria et en Tanzanie, les médias et une partie de l’opinion ont perçu cette annulation comme un manque de respect ou une volte-face. Certains titres de presse sont allés jusqu’à affirmer que le Japon “offrait des villes” à ces pays, une interprétation qui a nourri un malaise diplomatique. Pour Tokyo, il s’agit d’un revers dans sa politique de rapprochement avec l’Afrique, alors que la TICAD avait justement pour but de renforcer la coopération.
Cette affaire met en lumière le paradoxe japonais : un pays qui doit s’ouvrir pour compenser son déficit démographique mais dont une partie de la société reste farouchement opposée à l’accueil d’étrangers. Si la JICA n’exclut pas de relancer des initiatives similaires à l’avenir, il lui faudra d’abord convaincre une opinion publique de plus en plus sensible aux discours nationalistes.