Alors que les émissions de méthane continuent leur progression, leur réduction s’impose comme la stratégie la plus rapide et la plus rentable pour limiter le réchauffement climatique à court terme. C’est le constat central du dernier rapport de l’ONU, publié en marge d’une réunion ministérielle dédiée lors de la COP30. Cette question, autrefois reléguée au second plan derrière le dioxyde de carbone, est désormais au cœur des négociations, portée par une coalition croissante d’États qui y voient une opportunité à la fois écologique et économique.
Bien que la progression des émissions ait légèrement ralenti, diminuant de 4% par rapport aux projections de 2021, le niveau global reste alarmant. Le méthane est responsable d’environ un tiers du réchauffement actuel et possède un pouvoir réchauffant environ 80 fois supérieur à celui du CO2 sur une période de 20 ans. Les activités humaines, principalement l’agriculture (42%), le secteur des énergies fossiles (38%) et la gestion des déchets (20%), en sont les principales responsables. Les pays du G20 génèrent à eux seuls 65% de ces émissions, ce qui place la responsabilité et les leviers d’action entre les mains d’un nombre restreint d’acteurs.
Cette prise de conscience s’inscrit dans le sillage de l’Engagement mondial sur le méthane (Global Methane Pledge), lancé lors de la COP26 en 2021. Cet engagement volontaire, qui vise une réduction de 30% des émissions d’ici 2030 par rapport à 2020, rallie désormais 156 pays. Cependant, malgré cette adhésion de principe et l’émergence de certains investissements, les émissions n’ont pas encore été infléchies de manière significative, révélant le fossé entre les annonces politiques et la mise en œuvre concrète sur le terrain.
Les perspectives à court terme reposent sur un changement d’échelle dans l’application des solutions existantes. La France, qui a fait de ce dossier une priorité pour sa présidence du G7 l’année prochaine, annonce une réunion de suivi pour s’assurer des avancées réelles des pays engagés. L’Union européenne, de son côté, a instauré depuis août 2024 une réglementation contraignante sur les émissions de méthane liées au gaz naturel importé, créant un puissant levier économique. L’objectif est de passer des engagements volontaires à une action vérifiable et coordonnée, potentiellement soutenue par des outils de surveillance par satellite.
Les bénéfices d’une action rapide sont colossaux. Selon les analyses citées par le rapport, une réduction de seulement 32% permettrait d’éviter un réchauffement de 0,2°C d’ici 2050 et d’épargner environ 180 000 vies humaines grâce à l’amélioration de la qualité de l’air. Sur le plan économique, les études estiment que les coûts de la mise en œuvre sont dérisoires face aux gains, avec des économies potentielles se chiffrant en milliers de milliards de dollars. Comme le résume Martina Otto de la Climate and Clean Air Coalition, « baisser nos émissions de ce gaz est une des manières les plus rapides et rentables de ralentir le changement climatique. C’est notre frein d’urgence ».
Malgré cet unanimisme apparent sur le potentiel d’atténuation, des défis majeurs persistent. L’initiative reste volontaire, et d’importants émetteurs comme la Chine, l’Inde et la Russie n’ont pas rejoint la coalition. La question de la contrainte versus l’incitation divise également les acteurs. Alors que certains, comme la Première ministre barbadienne Mia Mottley, plaident pour un cadre plus contraignant, d’autres, à l’instar de l’ambassadeur français pour le climat Benoît Faraco, privilégient une « procédure d’urgence » pragmatique, arguant qu’il ne faut « pas attendre d’avoir un traité pour agir ». Cette approche est illustrée par l’engagement récent de sept pays, dont la France et l’Allemagne, à réduire presque à zéro les émissions de méthane du secteur des énergies fossiles.
La feuille de route est désormais tracée. Elle combine la mobilisation politique, comme le nouveau programme Brésil-Royaume-Uni visant à aider 30 pays en développement, et l’innovation technologique pour détecter et colmater les fuites. L’enjeu des prochains mois sera de transformer l’essai, en s’assurant que les promesses faites à la COP30 se traduisent par une inversion tangible de la courbe des émissions. Le méthane n’est plus une note de bas de page dans le combat climatique ; c’est devenu un test crucial de la capacité de la communauté internationale à agir avec célérité et efficacité.



