Une plainte pour “complicité de crimes de guerre” a été déposée contre le géant pétrolier français TotalEnergies, accusant le groupe de contributions matérielles à des violations graves des droits de l’homme commises dans le cadre de son projet gazier au Mozambique.
L’ONG allemande European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) a transmis cette plainte au parquet national antiterroriste à Paris. Elle reproche à TotalEnergies d’avoir “directement financé et soutenu matériellement” la Joint Task Force, une unité militaire mozambicaine responsable de détentions arbitraires, d’actes de torture et d’exécutions extrajudiciaires contre des civils entre juillet et septembre 2021. Ces exactions auraient eu lieu après l’attaque jihadiste contre Palma, lorsque des personnes fuyant les combats ont été arrêtées et détenues dans des conteneurs métalliques à l’entrée du site du projet Mozambique LNG.
Cette affaire s’inscrit dans le contexte sécuritaire dégradé de la province de Cabo Delgado, où le projet gazier d’Afungi est implanté. Depuis 2017, cette région riche en ressources naturelles fait face à une insurrection jihadiste qui a provoqué une crise humanitaire majeure. Pour sécuriser ses installations, TotalEnergies a conclu en 2020 un accord avec les autorités mozambicaines créant spécifiquement la Joint Task Force. Cet accord prévoyait un soutien logistique, alimentaire et financier au profit de cette force, conditionné au respect des droits humains.
Les implications juridiques pour TotalEnergies pourraient être significatives. La plainte invoque la loi sur le devoir de vigilance des multinationales françaises, testant pour la première fois son application concernant des crimes internationaux. Le groupe risque également des conséquences réputationnelles majeures susceptibles d’affecter ses relations avec les investisseurs et le financement du projet, déjà suspendu depuis avril 2021 pour cause d’insécurité.
L’ECCHR fonde son accusation sur des documents internes de TotalEnergies qui, selon l’ONG, démontrent que la compagnie suivait de près la situation sécuritaire et avait connaissance des violations commises. Clara Gonzales, directrice du programme entreprises et droits humains à l’ECCHR, affirme qu'”il apparaît impérituel que TotalEnergies puisse opposer son ignorance des crimes de l’armée mozambicaine”.
Ces révélations font écho aux recommandations du rapport commandité par TotalEnergies lui-même à Jean-Christophe Rufin. Dès mars 2023, cet expert alertait sur la nécessité de “couper tout lien direct” avec la Joint Task Force, soulignant qu’en cas de violation des droits humains, cette association “engage la responsabilité du consortium”. Le groupe pétrolier se trouve ainsi confronté à des accusations qui remettent en cause ses mécanismes de diligence raisonnable dans des zones de conflit.



