Une nouvelle vague d’acteurs européens, principalement issus d’Europe du Nord et de l’Est, investit activement le champ diplomatique et économique africain. Longtemps absents ou discrets sur le continent, ces pays cherchent désormais à y établir une influence durable, profitant d’un contexte géopolitique en reconfiguration et de la défiance croissante envers les puissances coloniales traditionnelles.
Cette offensive se concrétise par une multiplication d’initiatives concrètes. La Finlande, la Suède et le Danemark ont récemment ouvert de nouvelles ambassades au Sénégal, un hub diplomatique ouest-africain. Plus à l’Est, la Hongrie déploie une stratégie ambitieuse au Tchad, mêlant ouverture d’un centre humanitaire, renforcement de sa mission diplomatique à N’Djamena et projet de mission militaire pour former les forces locales. Parallèlement, des nations comme l’Estonie capitalisent sur des expertises de niche, en l’occurrence le numérique, pour accompagner la modernisation des services publics en Namibie et en Ouganda.
Cette percée s’inscrit dans un double mouvement. D’une part, le continent africain est le théâtre d’une compétition internationale acharnée pour son accès aux ressources et ses marchés, opposant la Chine, les États-Unis, la Russie, l’Inde et la Turquie. D’autre part, la relation historique entre l’Afrique et certaines puissances européennes, comme la France, traverse une crise profonde, illustrée par les récents coups d’État au Sahel et le rejet croissant de l’influence parisienne au profit de nouveaux partenaires, notamment Moscou. Ce climat de défiance ouvre une fenêtre d’opportunité pour des pays sans passé colonial.
Les perspectives pour ces nouveaux venus sont encourageantes, mais leur assise reste fragile. Leurs atouts principaux résident dans leur image de partenaires « neutres », dénués de l’bagage historique pesant de leurs homologues occidentaux. Pour les capitales africaines, ces relations offrent une opportunité de diversifier leurs alliances et de réduire leur dépendance vis-à-vis des grandes puissances, une priorité stratégique affirmée. Cependant, la pérennité de cette influence naissante dépendra de leur capacité à transformer les déclarations d’intention en partenariats économiques et techniques substantiels, malgré des moyens souvent limités.
Selon Alexis Vines, chercheur au Conseil européen pour les relations étrangères, cette dynamique témoigne de « l’influence croissante de l’Afrique au sein de l’UE, y compris pour ses plus petits États membres ». Les chiffres du commerce semblent lui donner raison. Les échanges commerciaux entre l’Estonie et l’Afrique ont presque doublé au cours des six dernières années, démontrant le potentiel économique sous-jacent à ce réengagement diplomatique.
Malgré cet optimisme, les défis logistiques et financiers persistent. Le réseau diplomatique de ces pays reste embryonnaire. L’Estonie, par exemple, ne dispose que d’une seule ambassade sur l’ensemble du continent, située en Égypte. Leur capacité à maintenir une présence sur le terrain et à rivaliser avec les investissements massifs de la Chine ou la puissance de feu diplomatique de la Russie constituera un test décisif pour cette nouvelle stratégie africaine.



