Le géant du streaming Netflix a annoncé, ce vendredi 5 décembre, un accord définitif pour le rachat de son rival Warner Bros Discovery (WBD) pour la somme record de 82,7 milliards de dollars. Cette opération, la plus importante du secteur audiovisuel depuis l’acquisition de Fox par Disney en 2019, propulse Netflix dans une position de puissance inédite, mais déclenche immédiatement des inquiétudes sur l’avenir du cinéma et la concentration du marché.
Concrètement, cette acquisition permet à Netflix de mettre la main sur des actifs de premier ordre. La plateforme hérite du catalogue cinématographique et télévisuel centenaire de Warner Bros, incluant des franchises mondiales comme Harry Potter, des séries cultes telles que Friends, et des classiques du cinéma. Surtout, elle s’adjuge le service de vidéo à la demande HBO Max, réputé pour ses productions prestigieuses. Ted Sarandos, le PDG de Netflix, évoque déjà la possibilité d’offres groupées à prix réduit, promettant une alliance entre « deux entreprises pionnières du divertissement ».
Ce rachat s’inscrit dans une guerre de consolidation accélérée à Hollywood. Warner Bros Discovery, créé de la fusion entre WarnerMedia et Discovery en 2022, avait été officiellement mis en vente en octobre 2025, attirant les convoitises de Paramount et de Comcast. Dans un paysage dominé par la bataille pour les abonnés et la production de contenus, Netflix, bien que leader, cherchait à combler un relatif déficit en franchises historiques et en prestige face à des concurrents comme Disney. L’opération acte la fin d’une ère et consacre la prééminence du modèle streaming.
Les perspectives immédiates sont toutefois semées d’embûches. L’accord doit obtenir l’approbation des actionnaires de WBD et, surtout, des régulateurs américains et européens. À Washington, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer un risque de pouvoir « excessif » sur le marché, la fusion créant un géant au catalogue et à l’audience disproportionnés. Des analystes préviennent que l’examen antitrust sera minutieux, d’autant que Netflix pourrait devoir verser une pénalité de près de 6 milliards de dollars en cas d’échec.
Au-delà des considérations financières et réglementaires, l’annonce a provoqué un électrochoc dans l’industrie créative. De nombreux cinéastes et défenseurs des salles obscures redoutent une accélération de la bascule vers le streaming. Le réalisateur James Cameron a tiré la sonnette d’alarme, qualifiant l’acquisition de « désastre » potentiel pour l’expérience cinéma. Les tensions sont vives sur la « fenêtre d’exclusivité », le délai entre la sortie en salle et la disponibilité en ligne. Netflix, qui propose actuellement 17 jours, affronte les grands circuits comme AMC qui en exigent 45, un conflit qui a déjà conduit à l’exclusion de ses films des principales salles américaines.
Face à ces critiques, Netflix tente de se montrer rassurant. La firme affirme son intention de maintenir une stratégie de sorties en salles et promet même d’augmenter ses investissements dans les contenus originaux. Cependant, cette assurance peine à convaincre une frange de l’industrie qui voit dans cette méga-fusion un tournant critique. Elle cristallise les craintes d’une uniformisation des contenus sous l’égide d’un acteur dominant, capable de dicter ses conditions aux créateurs comme aux distributeurs. L’enjeu dépasse désormais le simple affrontement commercial pour toucher à la diversité culturelle et à l’avenir même du cinéma comme art et comme industrie.



