L’Alliance des États du Sahel (AES) a publiquement accusé, ce lundi, le Nigéria d’avoir violé son espace aérien souverain. L’incident concerne un avion militaire de transport nigérian de type C130 qui a effectué un atterrissage d’urgence le 8 décembre à Bobo-Dioulasso, dans l’ouest du Burkina Faso, sans avoir obtenu d’autorisation préalable de survol.
L’annonce a été faite par le ministre burkinabè de l’Administration territoriale, Émile Zerbo, lors d’une intervention télévisée. Agissant au nom du président en exercice de la Confédération, le général malien Assimi Goïta, il a lu un communiqué officiel détaillant les faits. L’appareil, en transit, a dû se poser en urgence suite à un incident technique. L’enquête ouverte par Ouagadougou a formellement établi la présence à bord de deux membres d’équipage et de neuf militaires, ainsi que « l’absence d’autorisation de survol » du territoire burkinabè.
Cet épisode survient dans un climat régional extrêmement tendu, au lendemain du déploiement d’avions militaires nigérians au Bénin. Abuja était intervenu à la suite d’une tentative de déstabilisation contre le président Patrice Talon, arguant d’une demande du gouvernement béninois et du cadre de la Cédéao. Cette intervention a vivement irrité les pays de l’AES (Mali, Burkina Faso, Niger), qui ont quitté la Cédéao en janvier 2025 et dont les relations avec cette organisation, pilotée en grande partie par le Nigéria, sont rompues depuis plusieurs mois. L’incident aérien s’inscrit donc dans une fracture géopolitique profonde.
L’AES a condamné avec « la plus grande fermeté » ce qu’elle qualifie d’acte « inamical » et contraire au droit international. En conséquence, l’alliance a déclaré avoir placé ses systèmes de défense aérienne en alerte maximale. Elle les a « autorisés à neutraliser tout aéronef » pénétrant sans autorisation dans l’espace confédéral, une directive adoptée dès décembre 2024. Cette escalade verbale et militaire fait craindre une dangereuse surenchère, où tout nouveau survol non coordonné pourrait potentiellement dégénérer.
La réaction ferme de l’AES dépasse le simple incident technique. Elle est à interpréter comme un message politique clair adressé au Nigéria, perçu comme le bras armé d’une Cédéao que les pays putschistes jugent hostile. En brandissant la menace de la neutralisation, l’AES affirme sa souveraineté et son refus de toute ingérence, même aérienne. Elle teste également la détermination d’Abuja et la solidité des lignes rouges qu’elle a tracées.
Cet incident illustre la fragilité et la dangerosité de l’absence de canaux de communication directs entre les deux blocs. Alors que la région du Sahel est en proie à une insécurité jihadiste endémique, la priorité stratégique de coordination contre des groupes ennemis communs semble reléguée au second plan par des rivalités politiques et institutionnelles. La gestion de cet atterrissage forcé, de la libération de l’équipage et de l’appareil, servira de premier test concret pour évaluer si une dé-escalade est encore possible ou si la logique de confrontation continue de prévaloir.



