Les États-Unis ont mené, avec l’accord des autorités nigérianes, des frappes aériennes contre des combattants affiliés à l’État islamique dans le nord-ouest du Nigeria. Cette intervention, confirmée par les deux gouvernements, marque un tournant dans l’engagement militaire américain direct dans le pays. Elle est cependant immédiatement entachée par une controverse majeure, le président Donald Trump présentant l’opération comme une réponse à un « génocide » de chrétiens, un récit fermement rejeté par Abuja et par de nombreux observateurs.
Les frappes, qualifiées de « puissantes et meurtrières » par Donald Trump sur son réseau social, ont ciblé l’État de Sokoto. Le commandement américain pour l’Afrique (AFRICOM) a confirmé la mort de « plusieurs terroristes », précisant que l’action avait été menée à la demande du Nigeria. Le gouvernement nigérian a salué cette coopération « structurée » avec ses partenaires internationaux, tandis que l’armée nigériane a insisté sur le caractère conjoint de l’opération, fondée sur des renseignements crédibles et visant à empêcher l’expansion de groupes jihadistes transnationaux dans une région instable.
Cette intervention survient dans un contexte sécuritaire nigérian extrêmement complexe et multiforme. Le pays est aux prises avec l’insurrection de Boko Haram et de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) dans le nord-est, la criminalité violente et les enlèvements massifs perpétrés par des bandes armées dans le nord-ouest, et des conflits intercommunautaires récurrents entre éleveurs et agriculteurs dans la région centre. Ces crises, aux causes profondément enracinées dans des facteurs économiques, environnementaux et de gouvernance, dépassent largement le cadre d’un conflit religieux binaire, même si des dynamiques confessionnelles peuvent parfois s’y superposer.
.@POTUS “Tonight, at my direction as Commander in Chief, the United States launched a powerful and deadly strike against ISIS Terrorist Scum in Northwest Nigeria, who have been targeting and viciously killing, primarily, innocent Christians, at levels not seen for many years, and… pic.twitter.com/ct7rUW128t
— Department of War 🇺🇸 (@DeptofWar) December 26, 2025
Les perspectives immédiates sont celles d’une coopération sécuritaire renforcée, Washington n’excluant pas de nouvelles frappes. Cependant, le principal défi réside dans la divergence d’interprétation politique des violences. La ligne adoptée par Trump risque d’instrumentaliser la question nigériane sur la scène intérieure américaine, notamment auprès de l’électorat évangélique. Pour Abuja, l’enjeu est de continuer à bénéficier d’un soutien militaire tout en évitant que la crise ne soit réduite à une grille de lecture simpliste, susceptible d’exacerber les tensions communautaires internes et d’obscurcir les véritables leviers d’une stabilisation durable.
La localisation des frappes à Sokoto, un État majoritairement musulman qui n’est pas un épicentre des attaques anti-chrétiennes, interroge la rhétorique de la Maison Blanche. Des journalistes et chercheurs sur le terrain soulignent que les violences dans cette zone relèvent davantage de l’activisme jihadiste et du banditisme que de persécutions confessionnelles ciblées. Cette discordance entre le récit politique américain et la réalité du terrain sape la crédibilité du cadre justificatif avancé par Washington et place le gouvernement nigérian dans une position diplomatique délicate.
Enfin, cette séquence s’inscrit dans une relation bilatérale récemment tendue. Les États-Unis ont replacé le Nigeria sur une liste noire concernant la liberté religieuse et ont durci leur politique de visas. Les frappes de Sokoto illustrent ainsi le paradoxe d’une coopération militaire tactique qui se poursuit malgré des désaccords stratégiques profonds. L’évolution de ce partenariat dépendra de la capacité des deux capitales à dissocier les impératifs opérationnels de lutte antiterroriste des considérations idéologiques et électorales, sous peine de fragiliser encore un peu plus la cohésion sociale au Nigeria.



