L’enquête d’une agence de presse internationale révèle que le Ghana a servi de point de départ aux vols de reconnaissance américains ayant précédé et permis une frappe conjointe États-Unis-Nigéria contre l’État islamique, le jour de Noël. Cette information, non officiellement confirmée par Accra ou Washington, pointe vers un rôle opérationnel inédit du Ghana dans la stratégie sécuritaire américaine en Afrique de l’Ouest.
Selon les données de trafic aérien et des sources ouvertes analysées par un journaliste ghanéen spécialisé, plus d’une vingtaine d’aéronefs militaires américains sont arrivés au Ghana entre novembre et décembre. Une concentration exceptionnelle. Ces appareils, en provenance notamment des États-Unis et de la base de Djibouti, ont ensuite effectué depuis Accra et Tamale une série de vols aller-retour en direction du nord du Nigeria, zone d’activité des groupes jihadistes. Ces missions de renseignement étaient vraisemblablement destinées à cibler les positions frappées le 25 décembre.
Ce développement potentiel s’inscrit dans un contexte régional en pleine reconfiguration stratégique. En 2024, les États-Unis ont été contraints de quitter leurs bases militaires cruciales au Niger, un pivot géographique dans leur dispositif anti-jihadiste au Sahel. Ce retrait a créé un vide opérationnel que Washington cherche à combler. L’accord de coopération de défense signé avec le Ghana en 2018 fournit un cadre légal à un redéploiement partiel. Cet accord autorise, selon ses termes, les forces américaines à utiliser des installations militaires ghanéennes et à y déployer équipements et personnels.
La perspective immédiate est celle d’une consolidation du Ghana comme plateforme logistique et de renseignement pour les États-Unis dans la région. Cette situation pourrait permettre à Washington de maintenir, voire d’intensifier, ses opérations de contre-terrorisme, particulièrement au Nigeria et dans le bassin du lac Tchad. Toutefois, ce positionnement expose le Ghana à des risques politiques et sécuritaires, notamment en matière de souveraineté et de représailles potentielles de la part des groupes armés.
L’absence de réaction officielle du gouvernement ghanéen aux interrogations des médias soulève des questions sur la transparence de cet arrangement. Historiquement prudent dans ses alliances extérieures, Accra pourrait chercher à éviter un débat public houleux sur une présence militaire étrangère perçue comme sensible. Cette discrétion contraste avec les déclarations officielles nigérianes confirmant la collaboration avec Washington pour la frappe de Noël.
Analystes et observateurs régionaux scrutent désormais la réaction des autres puissances présentes dans l’espace ouest-africain. La France, en repli, et la Russie, dont l’influence via le groupe Wagner progresse, pourraient voir dans ce pivot américain vers le Ghana un élément nouveau dans la compétition stratégique régionale. La pérennité de ce dispositif dépendra aussi de la stabilité politique interne du Ghana, pays qui s’apprête à tenir des élections générales en 2024.
En définitive, l’utilisation apparente du Ghana comme relais opérationnel illustre l’adaptation pragmatique, et parfois discrète, des États-Unis face aux reconfigurations géopolitiques turbulentes du Sahel. Cela démontre également comment des accords de coopération signés années auparavant peuvent acquérir une dimension tactique inattendue, plaçant un pays partenaire au cœur d’opérations militaires sensibles sans nécessairement faire l’objet d’un débat national approfondi.



