À la veille du 65e anniversaire de l’indépendance du Bénin, le président Patrice Talon a rompu avec la tradition. Au lieu d’un discours solennel à la Nation, il a choisi d’engager un dialogue franc avec plus de 200 jeunes béninois, issus de divers horizons politiques. Pendant près de trois heures, il a répondu sans détour aux critiques sur sa gouvernance, aux inquiétudes concernant le code électoral en vigueur pour 2026, et aux revendications liées à la libération des prisonniers politiques.
La rencontre, diffusée en direct dans les médias publics, a rapidement pris un tour politique. La présence de jeunes affiliés au parti d’opposition Les Démocrates a ravivé les débats sur la libération de figures emblématiques de l’opposition, notamment Reckya Madougou et Joël Aïvo. Face à une jeunesse combative, Talon a défendu son bilan, en particulier le maintien du Code électoral, qu’il présente comme un gage de stabilité : « Ces lois forcent à rester ensemble. Si on touche à ça, les partis vont exploser. » Quant aux détenus, il s’est montré inflexible : « On peut revendiquer sans enfreindre la loi. »
Cette sortie présidentielle intervient à un moment clé : Talon s’apprête à quitter le pouvoir après deux mandats, dans moins de dix mois. Le 1er août 2025 marquera donc sa dernière fête nationale en tant que chef de l’État. Ce choix de dialogue direct avec la jeunesse au lieu d’un discours traditionnel traduit à la fois une volonté de passer le témoin et de justifier, une dernière fois, les lignes les plus contestées de son action politique. Depuis son arrivée au pouvoir en 2016, Talon a centralisé le pouvoir, restreint l’espace politique et mené des réformes électorales dénoncées par l’opposition comme excluantes.
La présidentielle de 2026 se prépare dans un climat tendu. Le président sortant affirme qu’il n’y aura pas de retouches du Code électoral, pourtant critiqué pour ses conditions d’éligibilité jugées trop restrictives. Les demandes d’amnistie ou de grâce en faveur des opposants incarcérés ont peu de chances d’aboutir à court terme. Talon, tout en se disant conscient des attentes, maintient une ligne dure, justifiée selon lui par la nécessité de bâtir « un ordre conséquent ». Il affirme vouloir quitter le pouvoir en laissant un cadre institutionnel solide, mais ses détracteurs dénoncent une démocratie verrouillée.
« Moi, j’ai fini, je vais partir », a lancé Talon en clôture, tout en insistant sur l’importance de l’alternance : « Il n’est pas bon que les mêmes personnes exercent trop longtemps le pouvoir. » Un message que beaucoup jugent ambivalent, au regard de l’emprise qu’il a exercée sur les institutions. En présidant son dernier défilé militaire, ce 1er août à Cotonou, Talon tente de soigner son image de réformateur intransigeant, mais respectueux de la règle du jeu démocratique. Reste à savoir comment l’histoire retiendra son passage au sommet de l’État.