Dans un discours prononcé le 29 décembre 2024 devant les deux chambres du Parlement algérien, le président Abdelmadjid Tebboune a vivement critiqué la France. Revenant sur les questions mémorielles, il a exigé de Paris des reconnaissances explicites concernant les crimes commis durant la colonisation, tout en abordant pour la première fois l’arrestation controversée de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.
Abdelmadjid Tebboune a exhorté la France à reconnaître les massacres perpétrés pendant la colonisation (1830-1962), insistant sur le devoir de mémoire. « Les Français doivent admettre qu’ils ont tué et massacré les Algériens », a-t-il déclaré. Il a également interpellé Paris sur les sites des essais nucléaires laissés contaminés dans le sud algérien, exigeant leur nettoyage en dénonçant les maladies causées par ces vestiges : « Vous êtes devenus une puissance nucléaire et vous nous avez laissés des maladies. Venez nettoyer ! »
Ce discours intervient dans un contexte de tensions diplomatiques exacerbées entre Alger et Paris. Les récentes controverses sur la colonisation, ainsi que les différends sur des dossiers tels que le Sahara occidental, ont creusé un fossé entre les deux pays. Le président algérien a vivement répondu aux voix en France qui valorisent les soi-disant « bienfaits de la colonisation », rappelant qu’à l’indépendance, 90 % des Algériens étaient analphabètes, un héritage qu’il qualifie de ruine pour son pays.
Pour la première fois, Abdelmadjid Tebboune s’est exprimé sur l’arrestation, en novembre, de Boualem Sansal. Qualifiant l’écrivain d’« imposteur », il l’a accusé de servir les intérêts français en suggérant que certaines parties de l’Algérie appartiendraient au Maroc. Sansal, actuellement incarcéré pour atteinte à la sûreté de l’État, est présenté comme un instrument de division au service d’intérêts étrangers.
Le chef de l’État a également lié la question sahraouie à des influences françaises, affirmant que l’idée d’autonomie pour le Sahara occidental était avant tout une proposition française et non marocaine. Pour Tebboune, il s’agit d’une « question de décolonisation et d’autodétermination », dénonçant les solutions proposées comme des alternatives inacceptables.
Ce discours s’inscrit dans une stratégie politique de renforcement de la souveraineté nationale. En accentuant les critiques contre l’ancienne puissance coloniale, Tebboune tente de rallier les Algériens autour de ces revendications historiques et d’une posture ferme face à l’ingérence perçue. L’affaire Sansal et la question sahraouie apparaissent comme des outils pour réaffirmer la ligne politique du président, à l’aube de son deuxième mandat.