Malgré sa position de deuxième zone mondiale de production d’oignons, après l’Asie de l’Est, l’Afrique de l’Ouest continue d’être largement tributaire des importations. En effet, cette région enregistre un déficit commercial important dans le secteur des oignons, avec un excédent largement insuffisant pour répondre à la demande locale. Le rapport du Centre du commerce international (ITC) publié en février 2025 met en lumière ce paradoxe : entre 2018 et 2022, l’Afrique de l’Ouest a accumulé un déficit de 96 millions de dollars en importations d’oignons frais.
Bien que l’Afrique de l’Ouest ait produit en moyenne 903 483 tonnes d’oignons entre 2018 et 2022, la région ne parvient pas à répondre entièrement à ses besoins internes. En 2023, la production a franchi le cap du million de tonnes, mais ce volume reste insuffisant pour combler la demande locale. Le Niger, seul exportateur net de la région, a enregistré un excédent commercial de plus de 30 millions de dollars, contrastant fortement avec les déficits enregistrés par des pays comme la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Sénégal. La région pourrait théoriquement exploiter un potentiel d’exportation intrarégionale de 57 millions de dollars, mais cette opportunité reste largement sous-utilisée.
Le commerce intrarégional de l’oignon en Afrique de l’Ouest demeure limité, malgré un potentiel considérable. Le Niger et le Burkina Faso, principaux exportateurs, pourraient générer jusqu’à 44 millions de dollars d’exportations vers des pays comme le Nigeria, la Côte d’Ivoire ou encore le Ghana, mais seulement un tiers de ce potentiel est actuellement exploité. L’absence de chaînes logistiques efficaces et de mécanismes de coopération régionale freine cette dynamique, limitant ainsi la compétitivité de la région face aux importations massives d’oignons, notamment en provenance des Pays-Bas et du Maroc.
La dépendance de l’Afrique de l’Ouest vis-à-vis des importations d’oignons peut être attribuée à plusieurs facteurs structurels. La production d’oignons dans la région est largement saisonnière, ce qui entraîne des périodes de pénurie durant lesquelles les importations deviennent indispensables. Par exemple, au Sénégal, bien que la production locale soit abondante de mars à mai et de juillet à septembre, l’approvisionnement en dehors de ces périodes dépend fortement des importations, principalement en provenance des Pays-Bas, du Maroc et de la Chine. Ces importations permettent de maintenir l’équilibre des prix, mais contribuent à creuser le déficit commercial de la région.
Les pertes post-récoltes jouent également un rôle crucial dans la situation actuelle. En Afrique de l’Ouest, les infrastructures de stockage et de conservation des oignons restent insuffisantes. Une étude au Burkina Faso a révélé que près de 40 % de la production nationale ne pouvait être conservée, en raison de l’absence d’infrastructures adaptées. Ce manque d’infrastructures engendre une réduction significative des volumes commercialisés, obligeant les marchés à recourir aux importations pour compenser ces pertes. Les investissements dans des infrastructures modernes, telles que les chambres froides et les unités de transformation, sont encore rares et souvent insuffisants pour répondre aux besoins de la région.
Face à cette situation, plusieurs initiatives commencent à émerger pour réduire la dépendance aux importations et favoriser la croissance du secteur. Au Sénégal, par exemple, la Société Africaine d’Ingrédients a inauguré une usine de déshydratation d’oignons à Ross Béthio, une première dans la région, destinée à transformer l’oignon en produits à plus forte valeur ajoutée, comme la poudre et les lanières d’oignon déshydraté. De même, des investissements dans des installations de stockage, comme celles mises en place par SWAMI AGRI au Sénégal et PRISM Foods au Nigeria, sont des signes d’un futur développement des capacités de conservation et de transformation dans la région.
Les perspectives pour l’avenir de la filière oignon en Afrique de l’Ouest sont prometteuses, mais des efforts substantiels sont nécessaires pour exploiter pleinement le potentiel de la région. Le renforcement des infrastructures de stockage, la réduction des pertes post-récoltes et le développement du commerce intrarégional pourraient grandement améliorer la balance commerciale. Toutefois, pour réussir, les pays de la région devront surmonter les défis liés à la transformation de la production et à la création d’un marché régional plus intégré et plus compétitif.