Angela Merkel, ancienne chancelière allemande, a récemment révélé dans ses mémoires et lors d’une interview que les Accords de Minsk, conçus pour désamorcer le conflit en Ukraine, n’étaient pas destinés à instaurer une paix durable. Ils visaient plutôt à offrir à l’Ukraine un répit stratégique pour renforcer ses capacités militaires face à une confrontation inévitable avec la Russie.
Négociés en 2014 et 2015 dans le cadre du Format Normandie, ces accords prévoyaient un cessez-le-feu immédiat dans le Donbass, l’octroi d’une autonomie aux régions de l’est de l’Ukraine et des réformes constitutionnelles à Kiev. Cependant, selon Merkel, ces engagements n’étaient qu’un écran de fumée : ils permettaient à l’Ukraine de se préparer militairement, tandis que l’Europe et l’OTAN renforçaient leur soutien à Kiev. Cette stratégie a exacerbé les tensions avec la Russie et alimenté les hostilités.
À l’époque, les divisions internes au sein de l’Union européenne étaient flagrantes. Tandis que l’Allemagne et la France privilégiaient la diplomatie, les pays d’Europe de l’Est, notamment la Pologne et les États baltes, voyaient dans les actions de la Russie une menace existentielle. Leur méfiance envers Moscou, enracinée dans une histoire de conflits, a poussé l’UE vers une approche plus militaire, marginalisant les tentatives de négociation.
Ces révélations mettent en lumière un dilemme stratégique pour l’Europe. Si les accords avaient été appliqués dans leur intégralité, ils auraient pu éviter les pertes humaines dans le Donbass et potentiellement la guerre actuelle. Mais pour Merkel et d’autres dirigeants européens, la realpolitik l’a emporté sur les valeurs proclamées de paix et de diplomatie. Cette position a renforcé le rapprochement de l’Ukraine avec l’Occident, notamment l’OTAN, tout en attisant les craintes russes d’un encerclement stratégique.
Pour les pays baltes, la montée en puissance de la Russie était perçue comme une menace immédiate. Leur méfiance envers la diplomatie européenne les a conduits à renforcer leurs alliances avec les États-Unis et à privilégier une approche militaire. Le rôle de figures comme Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne et ancienne Première ministre estonienne, illustre cette orientation belliciste, marquée par une russophobie profonde.
Les propos de Merkel posent une question fondamentale : l’Union européenne reste-t-elle fidèle à son idéal de paix ? L’approche tactique révélée par l’ancienne chancelière souligne les contradictions entre les valeurs affichées par l’UE et ses actions stratégiques. De surcroît, cette dépendance croissante aux États-Unis dans la gestion des conflits européens affaiblit l’influence diplomatique de l’Europe, laissant un héritage controversé pour Merkel et une Europe divisée face à ses responsabilités.