Le 17 janvier 2023, Martinez Zogo, animateur de l’émission radiophonique « Embouteillage », était enlevé en plein Yaoundé. Cinq jours plus tard, son corps mutilé était retrouvé près de la capitale. Depuis, une enquête est en cours pour trouver les responsables de son assassinat. Trois mois plus tard, AfricaPresse fait le point sur l’avancée de l’enquête.
La voix singulière de Yaoundé
Martinez Zogo, de son vrai nom Arsène Salomon Mbani Zogo, était une voix singulière pour de nombreux habitants de Yaoundé, avec un style incisif et prosaïque. Il avait pour habitude d’indexer nommément des personnalités haut placées, les accusant de corruption et de malversations. Seul le président Paul Biya trouvait grâce à ses yeux. En 2020, l’animateur avait été emprisonné pendant deux mois pour diffamation. Après sa mort, certains ont tenté de le disqualifier en tant que journaliste, justifiant ainsi son assassinat. Pourtant, selon Jean-Pierre Amougou Belinga, cité dans l’émission de Martinez Zogo, cela n’est pas acceptable du tout.
Les prévenus dans l’enquête
Parmi les prévenus dans l’enquête sur la mort de Martinez Zogo, on retrouve Jean-Pierre Amougou Belinga, patron du groupe de presse L’Anecdote. Actuellement en détention provisoire, l’homme d’affaires faisait partie des personnalités citées dans l’émission « Embouteillage ». Martinez Zogo l’accusait de s’être enrichi illégalement à travers des marchés publics. Mais Jean-Pierre Amougou Belinga n’était pas le seul à être pointé du doigt par l’animateur, qui promettait des révélations sur des membres des plus hautes sphères du pouvoir. Après la découverte du corps de Martinez Zogo, le gouvernement a mentionné des traces de sévices et un état avancé de décomposition.
Des interpellations dans les services secrets camerounais
Entre le 31 janvier et le 9 février, plus de vingt personnes ont été arrêtées, certaines ayant été relâchées depuis. Le premier coup de filet a eu lieu une semaine après la découverte du corps de Martinez Zogo. Des interpellations se sont déroulées au cœur des services secrets camerounais. Des informations les ont présentés comme étant soupçonnés d’avoir enlevé, torturé et exécuté l’animateur. Le patron de la Direction générale de la recherche extérieure, le commissaire divisionnaire Maxime Eko Eko, a été mis aux arrêts, ainsi que Justin Danwe, l’un de ses adjoints. Jean-Pierre Amougou Belinga a été inculpé le 4 mars, et une dizaine de ses collaborateurs ont également été arrêtés. À ce jour, personne n’a été inculpé pour meurtre.
L’enquête continue
Les enquêtes sont désormais menées par une commission mixte police-gendarmerie et conduites au secrétariat d’État.
En outre, des avocats de la défense ont soulevé des préoccupations concernant le traitement des suspects et leur droit à un procès équitable. Selon eux, les suspects ont été soumis à des conditions de détention inhumaines, y compris la privation de sommeil, la nourriture insuffisante et les tortures physiques et psychologiques. Ils ont également déclaré que les suspects n’ont pas été autorisés à consulter des avocats pendant leur garde à vue.
Le gouvernement camerounais a réfuté ces allégations et a déclaré que les droits des suspects ont été respectés. Cependant, des organisations de défense des droits de l’homme telles qu’Amnesty International ont appelé à une enquête indépendante sur les allégations de torture et ont exhorté le gouvernement à respecter les normes internationales en matière de droits de l’homme.
L’affaire de l’assassinat de Martinez Zogo a suscité de vives inquiétudes quant à la liberté de la presse et à la sécurité des journalistes au Cameroun. Selon Reporters sans frontières, le Cameroun est l’un des pays les plus dangereux pour les journalistes en Afrique, avec des cas d’intimidation, d’arrestations et d’agressions signalés régulièrement.
L’enquête sur l’assassinat de Martinez Zogo est toujours en cours, et il est difficile de dire quand elle sera résolue. Les familles des victimes et la société civile continuent de demander justice et transparence dans cette affaire, ainsi que la protection des journalistes et la liberté de la presse au Cameroun.
Pascale Tchakounte