Annoncée avec éclat pour fin 2024, l’interdiction des importations de poulets congelés au Bénin tarde à entrer en vigueur. Confronté à une production locale insuffisante et à des enjeux économiques complexes, le gouvernement a opté pour une approche graduelle, provoquant perplexité et débat dans la filière avicole.
En avril 2023, le ministre de l’Agriculture Gaston Dossouhoui promettait la fin des poulets importés pour les fêtes de fin 2024. Mais cinq mois après la date butoir, les produits étrangers continuent d’alimenter les marchés. Le gouvernement justifie ce report par la nécessité d’assurer une transition progressive, afin de protéger les consommateurs et d’éviter une envolée des prix. Toutefois, cette prudence suscite des frustrations. Certains acteurs de la filière dénoncent un recul stratégique, d’autres y voient une mesure de bon sens.
Chaque année, environ 100 000 tonnes de poulets congelés arrivent à Cotonou, en provenance du Brésil et de l’Union européenne. Seules 20 000 tonnes sont consommées localement, le reste étant réexporté vers le Nigeria, où l’importation de volaille est interdite depuis 2002. Cette situation place le Bénin au cœur d’un commerce régional informel qui complique toute réforme. En parallèle, la production nationale reste marginale, plafonnant à un peu plus de 10 000 tonnes en 2023, essentiellement issues d’élevages traditionnels à faible rendement.
La relance de la filière passe par une modernisation de la production, mais les obstacles sont nombreux. L’alimentation animale représente jusqu’à 70 % des coûts de production, et les producteurs locaux peinent à concurrencer les prix subventionnés du poulet importé. Le manque de fermes professionnelles, la rareté des élevages à cycle continu et l’envolée du coût des intrants rendent l’essor du secteur incertain. Pour les exploitants, les faibles marges proposées par les intermédiaires découragent toute prise de risque.
Face à cette impasse, l’État béninois tente d’apporter des réponses. Des prêts bonifiés, des subventions sur les poussins d’un jour, l’appui d’organisations comme le FNDA ou l’ADPME : plusieurs mécanismes d’appui ont été déployés pour structurer la filière. Mais ces efforts restent épars. La mise en place de « clusters agricoles » visant à regrouper producteurs, transformateurs et distributeurs dans un même écosystème semble prometteuse, mais peine à produire des résultats concrets à grande échelle.
Au-delà des chiffres, l’enjeu est politique. Le gouvernement veut afficher une volonté de souveraineté alimentaire, dans la lignée des décisions prises au Nigeria, en Côte d’Ivoire ou au Sénégal. Mais sur le terrain, la dépendance au poulet congelé bon marché reste une réalité, ancrée dans les habitudes de consommation. Sans véritable plan de montée en puissance de la production locale, l’interdiction risque de rester un vœu pieux.