Un comité militaire a annoncé, dimanche 7 décembre 2025, la destitution du président béninois Patrice Talon et la prise du pouvoir à Cotonou. Cette proclamation a été faite lors d’une déclaration lue par des officiers et diffusée sur la chaîne de télévision nationale, plongeant le pays dans une profonde incertitude institutionnelle.
Les auteurs de cette annonce se présentent comme membres du « Comité militaire pour la refondation » (CMR). Dans leur communiqué télévisé, ils affirment avoir « délibéré et décidé » de la déchéance du président Talon. Ils ont simultanément désigné le lieutenant-colonel Tigri Pascal comme président de ce comité, sans préciser immédiatement la composition d’un éventuel nouveau gouvernement ni le sort réservé aux institutions en place. Aucune réaction officielle du gouvernement ou de l’armée dans son ensemble n’était disponible dans les heures ayant suivi cette proclamation.
Cette tentative de prise de pouvoir survient dans un contexte politique béninois extrêmement tendu, à moins d’un an d’une élection présidentielle prévue en 2026. Patrice Talon, ayant achevé deux mandats, n’était pas candidat à sa propre succession. Son camp avait désigné le ministre de l’Économie, Romuald Wadagni, comme prétendant. Parallèlement, le principal parti d’opposition, Les Démocrates, a été systématiquement empêché de participer aux récents scrutins, notamment par le refus de investir ses candidats. Cette exclusion progressive de l’opposition a fortement dégradé le climat politique et érodé la confiance dans les processus électoraux, dans un pays pourtant considéré jusqu’ici comme un modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest.
Les perspectives immédiates dépendent de la réaction des différentes composantes de l’armée et des institutions de l’État. La légitimité et le contrôle effectif du territoire par ce comité restent à établir. La communauté internationale, en particulier la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine, observent la situation avec une grande vigilance. Ces organisations, qui ont adopté une position de principe intransigeante contre les changements anticonstitutionnels de gouvernement, pourraient rapidement prononcer des sanctions si le putsch se confirme. La stabilité régionale, déjà fragilisée par une série de coups d’État dans le Sahel et en Afrique de l’Ouest, est une nouvelle fois en jeu.
Les motivations avancées par les putschistes, bien que non détaillées dans la courte proclamation, semblent s’inscrire dans un discours de « refondation ». Ce terme laisse supposer une volonté de rupture avec la gestion politique des dernières années, marquée par une concentration des pouvoirs, un rétrécissement de l’espace civique et des accusations de dérive autoritaire. La crise pré-électorale, avec une opposition muselée, a créé un terreau propice à l’émergence de discours remettant en cause l’ensemble du système.
La réponse de la société civile béninoise et de la population sera un élément décisif dans les heures et les jours à venir. Historiquement hostile aux coups de force, la population béninoise est fière de son histoire démocratique et de ses alternances pacifiques. Cependant, la lassitude face aux tensions politiques et aux incertitudes pourrait influencer sa réaction. La capacité des acteurs politiques nationaux, y compris ceux de la majorité et de l’opposition, à trouver une voix commune pour défendre l’ordre constitutionnel sera un test crucial pour la résilience des institutions béninoises.



