Le gouvernement burkinabè a déclaré « persona non grata » la coordinatrice résidente du Système des Nations unies et coordinatrice humanitaire, Carol Bernardine Flore-Smereczniak. Les autorités l’accusent d’avoir coprésidé l’élaboration d’un rapport qualifié de « mensonger » sur la situation des enfants dans le pays. Son expulsion a été annoncée lundi par le porte-parole du gouvernement, Gilbert Ouédraogo, à la télévision nationale.
Le document incriminé, intitulé Les enfants et le conflit armé au Burkina Faso, est reproché d’avoir été produit « sans sources objectives, ni preuves, ni justificatifs ». Selon Ouagadougou, il met sur le même plan « les terroristes et les forces de défense et de sécurité », sans présenter de rapports d’enquête ni de décisions judiciaires pour étayer les cas évoqués. Les autorités affirment n’avoir pas été associées à son élaboration et dénoncent l’utilisation « volontaire » de termes équivoques qui reviendraient, selon elles, à légitimer les violences subies par la population.
Cette décision s’inscrit dans un climat déjà tendu entre le Burkina Faso et les Nations unies. En décembre 2022, Barbara Manzi, alors coordinatrice résidente, avait également été expulsée pour des motifs similaires. Le gouvernement de transition, dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré, multiplie depuis deux ans les frictions avec certaines agences internationales, estimant que leurs rapports nuisent à l’image du pays et ignorent les efforts sécuritaires déployés face aux groupes armés.
L’expulsion de Mme Flore-Smereczniak risque de compliquer davantage la coopération humanitaire et de développement. Celle-ci venait d’entamer sa mission en juillet 2024, après avoir exercé en Côte d’Ivoire. Son rôle était de coordonner l’action onusienne dans le cadre du Plan intérimaire pour le développement durable (UNIDAP 2023-2025). Or, l’ONU avait mobilisé près de 738,5 millions de dollars en 2023 pour répondre aux priorités nationales, allant de la sécurité alimentaire à la réduction de la pauvreté. La rupture de confiance pourrait donc ralentir l’accès aux financements et entraver les programmes sur le terrain.
Au-delà de la personne visée, l’affaire illustre la volonté des autorités burkinabè de réaffirmer leur souveraineté face aux institutions internationales. Cette stratégie, déjà visible dans leurs relations avec la France et certaines ONG, s’inscrit dans une logique plus large de défiance à l’égard des partenaires extérieurs jugés intrusifs ou partiaux. Pour Ouagadougou, contester un rapport sur les enfants revient aussi à défendre l’image des forces de sécurité, souvent accusées d’exactions dans leur lutte contre les groupes armés.