Gélase Daniel Ndabirabe, figure controversée et président sortant de l’Assemblée nationale burundaise, a été reconduit le 31 juillet pour un nouveau mandat de cinq ans. Cette réélection, loin d’être anodine, marque un revers politique pour le président Évariste Ndayishimiye, dont le candidat préféré a été écarté par la vieille garde militaire du parti au pouvoir, le CNDD-FDD.
Avec 109 voix sur 111, l’élection de Ndabirabe s’apparente à un plébiscite dans une Assemblée intégralement acquise au CNDD-FDD, à la suite des législatives de juin largement critiquées. Le vote a été expédié en moins de deux heures. Aucun autre candidat ne s’est présenté, et les députés avaient reçu des instructions précises dès le matin pour entériner cette reconduction. Officiellement, tout semble avoir suivi une mécanique bien huilée.
Le président Ndayishimiye avait pourtant préparé minutieusement l’arrivée de son propre homme au perchoir. Le général de brigade Léonidas Ndaruzaniye, un fidèle, avait été poussé à prendre une retraite anticipée avant d’être nommé gouverneur, puis élu député en juin. Son nom circulait largement comme futur président de l’Assemblée. Mais Gélase Ndabirabe a refusé de céder sa place, arguant qu’il ne pouvait accepter de finir simple député après avoir dirigé l’institution pendant cinq ans.
Ce refus a ravivé les lignes de fracture au sein du CNDD-FDD. Les généraux issus de l’ancienne rébellion, toujours influents en coulisse, se sont rangés derrière Ndabirabe. Leur défiance envers Ndayishimiye s’est accentuée depuis l’arrestation de son ancien rival, le général Bunyoni. Craignant une purge de leurs rangs, ils ont décidé de bloquer la manœuvre présidentielle. Ce bras de fer confirme que, malgré son titre, le chef de l’État n’a pas les mains libres dans la gestion du pouvoir.
Cette séquence éclaire une réalité politique souvent sous-estimée au Burundi : la présidence de la République n’est pas toute-puissante. Le CNDD-FDD, dominé en sous-main par les généraux historiques, impose ses équilibres internes. Les décisions les plus sensibles, comme celle de nommer le président de l’Assemblée, ne peuvent être prises sans l’aval de ce noyau dur. Cela relativise fortement les ambitions de réforme ou de consolidation du pouvoir que pourrait nourrir Ndayishimiye.
Le maintien de Gélase Ndabirabe est moins un hommage à sa gestion qu’un message clair : les généraux restent les véritables arbitres du pouvoir. Le président, bien qu’élu, doit composer avec un système hérité de la guerre et verrouillé par ceux qui en ont été les artisans. Le CNDD-FDD, loin d’être un parti docile, fonctionne selon des logiques de loyauté, de méfiance mutuelle et de rapports de force permanents.