L’instruction du procès de l’assassinat du journaliste Martinez Zogo se poursuit au tribunal militaire de Yaoundé dans un climat de vives tensions. Les audiences des 24 et 25 novembre ont été marquées par l’audition de trois nouveaux témoins, présentés comme cruciaux, mais dont les déclarations sont immédiatement contestées, illustrant les profondes divisions qui entourent cette affaire.
Parmi les personnes entendues figurent Étienne Mbassi, un déclarant en douane se revendiquant proche des services de renseignement, et le caporal Van Chakra. Tous deux affirment avoir assuré une protection informelle du journaliste, qui se sentait menacé, et sont considérés comme les dernières personnes à l’avoir vu vivant avant son enlèvement le 17 janvier 2023. Leur passage à la barre a été tendu, les témoins manifestant une certaine agacement face aux questions des avocats de la défense.
Ce procès s’inscrit dans un contexte politique et médiatique camerounais extrêmement sensible. Martinez Zogo, animateur radio connu pour ses émissions critiques envers le pouvoir, a été sauvagement assassiné après avoir dénoncé à l’antenne des affaires de corruption impliquant de hauts dignitaires du régime. Son meurtre a provoqué une onde de choc internationale et mis le gouvernement sous pression, conduisant à des arrestations inédites de figures proches du pouvoir, dont l’homme d’affaires Jean-Pierre Amougou Belinga.
Les perspectives pour cette instruction restent incertaines. La stratégie de la défense, qui consiste à souligner systématiquement les incohérences des témoignages, pourrait complexifier la tâche des juges et retarder le calendrier judiciaire. La crédibilité de la procédure est en jeu, alors que la prochaine audience, fixée au 16 décembre, est attendue pour apporter, ou non, les clarifications nécessaires.
L’analyse des avocats révèle un fossé abyssal entre les parties. Maître Calvin Job, avocat de la famille Zogo, se dit convaincu que les pièces du puzzle s’assemblent, évoquant un “individu missionné pour appâter” la victime. À l’opposé, Maître Jacques Bougny, défenseur de l’un des accusés, dénonce des récits ambigus et de multiples contradictions qui, selon lui, privent l’instruction de la lisibilité requise pour établir la vérité.
Un autre témoignage, celui d’Alain Ekassi, un proche de la victime entendu lundi, est venu brouiller davantage les pistes. Ses déclarations ont orienté les soupçons vers un accusé autre que Jean-Pierre Amougou Belinga, pourtant présenté par l’accusation comme le principal commanditaire. Cette révélation ajoute une couche de complexité à une affaire où les jeux d’influence et les zones d’ombre semblent être la règle plutôt que l’exception.



