À quatre mois de la présidentielle d’octobre 2025, une lettre ouverte signée par huit personnalités originaires du Sud-Cameroun appelle à « sanctionner dans les urnes » le président Paul Biya. Une initiative inédite dans une région traditionnellement acquise au chef de l’État, au pouvoir depuis 1982.
Les signataires, majoritairement universitaires, reprochent à Paul Biya l’abandon de sa propre région d’origine. Dans leur texte de quatre pages diffusé dans les médias et sur les réseaux sociaux, ils dénoncent un « désespoir généralisé », alimenté par des routes impraticables, un accès limité à l’électricité, et un chômage massif des jeunes diplômés. Plus qu’un bilan administratif, c’est une trahison personnelle qu’ils pointent du doigt.
Le Sud-Cameroun a toujours été l’un des plus fidèles soutiens de Paul Biya, avec des scores parfois proches de 100 % lors des scrutins. Le fait que des voix critiques émergent de ce bastion est un signe d’usure du pouvoir, voire d’un début de rupture. Les auteurs de la lettre affirment n’avoir reçu du président qu’un traitement empreint de « condescendance et distance », soulignant qu’aucun meeting n’a jamais été tenu dans leurs localités.
L’appel à un « nouveau pouvoir » formulé par les auteurs intervient dans un climat d’incertitude. Paul Biya, âgé de 92 ans en 2025, n’a toujours pas annoncé s’il briguera un nouveau mandat. Mais cette interpellation publique pourrait fragiliser davantage la légitimité d’un président dont la base même commence à douter. Pour l’opposition, cette lettre offre un rare levier symbolique, qu’elle n’a pas tardé à exploiter.
Si la lettre a provoqué un effet de surprise dans la région, les cercles proches du pouvoir restent silencieux. Aucune déclaration officielle du RDPC n’a été faite. En privé, certains responsables dénoncent une « surenchère électoraliste ». Reste que cette prise de position marque un tournant : pour la première fois, une contestation argumentée émerge du cœur même du pouvoir, brisant le silence sur un héritage politique devenu pesant.