À quatre mois de l’élection présidentielle au Cameroun, Issa Tchiroma Bakary, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, a remis sa démission au Premier ministre. Figure politique de premier plan et président du FSNC (Front pour le salut national du Cameroun), il tourne ainsi le dos à Paul Biya, après près de deux décennies de collaboration ministérielle.
La démission de Tchiroma n’est pas une surprise. Il y a deux semaines, en visite à Garoua, sa base électorale du Nord, il avait ouvertement critiqué le pouvoir en place. Devant une foule de partisans, il avait dénoncé l’échec des promesses gouvernementales envers sa région, allant jusqu’à accuser Paul Biya d’être « responsable des malheurs » des populations du septentrion. Ce discours, tenu sans ambiguïté, sonnait déjà comme un acte de rupture.
Ancien ministre de la Communication et ex-porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma a traversé plusieurs gouvernements sous Biya. Longtemps considéré comme l’un des soutiens les plus fidèles du régime, notamment en période de contestation, il incarnait une passerelle entre le pouvoir central et le Nord. Mais les années ont creusé le fossé entre ses attentes politiques régionales et les décisions de Yaoundé, jusqu’à rendre l’alliance intenable.
La démission de Tchiroma prive Paul Biya d’un relais essentiel dans le Nord, bastion électoral stratégique. Le FSNC, bien que marginal sur le plan national, y dispose d’un ancrage réel. À l’approche du scrutin, cette défection fragilise davantage un régime vieillissant et contesté, et pourrait encourager d’autres figures locales à prendre leur distance.
D’après son entourage, Issa Tchiroma envisagerait de se présenter à la présidentielle. Une réunion du comité central du FSNC est prévue ce vendredi à Garoua pour discuter d’une éventuelle investiture. S’il officialise sa candidature, cela marquera un tournant majeur dans son parcours, lui qui a longtemps servi le pouvoir au nom de la stabilité.
Au-delà du cas Tchiroma, ce départ envoie un signal plus large sur l’état des alliances autour de Paul Biya. Il révèle un climat d’usure au sein de l’appareil politique et une volonté croissante, y compris chez d’anciens fidèles, de tourner la page du pouvoir en place. Reste à voir si ce mouvement isolé en entraînera d’autres dans un paysage politique verrouillé mais de plus en plus instable.