La société de construction canadienne Magil se défend et répond aux accusations du ministère camerounais des Sports et de l’Éducation physique, maître d’ouvrage du chantier du complexe sportif d’Olembe. Accusée par le ministère de surfacturation et de vouloir résilier unilatéralement son contrat en laissant les travaux inachevés, Magil, filiale du groupe français Fayolle, publie ce mercredi matin 11 janvier un communiqué et adresse une lettre à la primature camerounaise.
Après quasiment une semaine de silence, Magil réagit au courrier qui a fuité jeudi 5 janvier dans la presse, avec deux courriers, adressés à la Primature et au Secrétariat général de la présidence, et dans un communiqué. Un « sabotage médiatique », selon Magil. Ce courrier du ministère des Sports adressé au secrétariat général du Premier ministre accusait le constructeur « d’intentions malsaines […] pour siphonner le budget des travaux » du complexe sportif d’Olembe. Ce chantier emblématique en banlieue de Yaoundé, dont le stade construit pour la CAN de football, a accueilli les matchs d’ouverture et la finale de la compétition début 2022.
Ce sont des « propos calomnieux et indignes d’un haut représentant de l’État », déclare la société canadienne qui, dans sa lettre aux services du Premier ministre, assure vouloir « rétablir la vérité sur la réalité » du projet Olembe. Magil et les sous-traitants ne seraient plus payés « depuis juillet 2021 […] malgré la disponibilité des fonds » et des factures présentées tous les mois. Pour Magil, « l’asphyxie financière des sous-traitants » est de la responsabilité du ministère des Sports et de l’Éducation Physique (Minsep).
Lettre de la Magil adressée au secrétaire général du Premier ministre camerounais
Des « manquements contractuels » de la part du ministère
À cela s’ajouterait, selon Magil « le non-renouvellement des exonérations fiscales et douanières prévues » et « la découverte de nombreuses malfaçons sur le stade » à la reprise du chantier après le départ du constructeur italien Gruppo Piccini. Autre affirmation de Magil : l’avancement réel du complexe sportif quand la société reprend le chantier en 2019 n’était pas celui indiqué par son prédécesseur, l’Italien Gruppo Piccini.
Magil ajoute que les représentants du ministère ont « à plusieurs reprises brillé par leur absence aux réunions » parce que le constructeur refusait de payer des indemnités de présence et autres cadeaux demandés.
Pour Magil, la décision de demander la résiliation du contrat s’est imposée « face aux manquements contractuels » du ministère des Sports qui « ont contribué à mettre en péril le projet » malgré « des demandes de médiation et des tentatives de règlement à l’amiable ».
Franck Mathière, vice-président exécutif en charge de l’international chez Magil était ce mardi 10 janvier à Yaoundé pour rencontrer plusieurs autorités et dire que Magil se tient prêt à terminer le chantier si une solution est trouvée. Magil dont ce n’est pas le seul contrat au Cameroun, appelle de ses vœux un règlement à l’amiable.
Côté gouvernement, seul le ministère des Sports s’exprime pour le moment, mais dans un chantier de l’ampleur d’Olembe, les services d’autres ministères sont concernés. Pas de commentaire officiel non plus depuis une semaine à la présidence où c’est le Secrétariat général (SGPR), qui pilotait la « task force » pour l’organisation de la CAN.
Le ministre des Sports estime que si Magil ne rend pas une partie des fonds, la société doit être poursuivie pour « atteinte à la fortune publique ». Le chantier inachevé du complexe sportif d’Olembe, c’est déjà, selon le ministère des Sports, officiellement 155 milliards de Francs CFA (équivalent à 235,6 millions d’euros) consommés dont 42 milliards (63,8 millions d’euros) alloués à l’entreprise Magil.
Pour l’observateur Philippe Nanga, coordinateur de l’ONG Un Monde Avenir, ce nouvel épisode de la saga Olembe est délétère. « Ça renforce la suspicion vis-à-vis d’une administration qui donne l’impression de ne plus être contrôlée par qui que ce soit. Nous attendons que le président de la République qui reste encore président de la République puisse prendre la parole. Et nous attendons toujours, enfin, que des enquêtes indépendantes soient ouvertes vis-à-vis des gestionnaires des fonds publics et que des suites soient données à ces dysfonctionnements qu’on vit depuis quelques années. »