Le 10 août 2025, à l’occasion de la messe dominicale, Mgr Samuel Kleda, archevêque métropolitain de Douala, a proféré un appel sans ambiguïté à la nation camerounaise. Dans une lettre pastorale intitulée “Sur le climat social à l’approche du scrutin”, il a souligné que le pays était “malade” et que ses dirigeants étaient responsables de cette situation. Selon lui, le “malaise” du pays est enraciné dans une gouvernance défaillante marquée par la corruption, la mauvaise gestion et une pauvreté endémique. Il a exhorté les Camerounais à ne pas se résigner et à chercher “de nouvelles voies pour sauver le pays”.
L’archevêque va plus loin en précisant les aspects de la gouvernance qui, selon lui, ont plongé le Cameroun dans une crise profonde. Il dénonce une gouvernance qui ne sert plus les intérêts du peuple, mais ceux de l’élite politique. La pauvreté généralisée, l’inefficacité des infrastructures, comme le réseau routier en ruine, ainsi que la mauvaise gestion des services de base tels que l’eau et l’électricité, témoignent d’une gestion d’État en déclin. Mgr Kleda insiste sur le fait que cette situation est le fruit d’une gestion égoïste et anti-évangélique, alimentée par la corruption systémique et la mauvaise gouvernance.
Cet appel intervient à un moment crucial de la politique camerounaise, à la veille de l’élection présidentielle. Le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, est à la tête d’un régime longtemps critiqué pour son autoritarisme et ses dérives. Le pays, malgré ses richesses naturelles, souffre d’une gestion inefficace et d’une détérioration des conditions de vie de sa population. La crise anglophone, qui dure depuis 2016, et la situation de l’Extrême-Nord, exacerbée par l’insurrection de Boko Haram, viennent ajouter une couche de complexité à un environnement déjà tendu. Mgr Kleda, par son discours, réagit à cette situation désastreuse et interpelle les citoyens camerounais sur leur rôle face à cette crise.
À la lumière de la situation actuelle, Mgr Kleda appelle à une “alternance” politique. Il plaide pour l’émergence de leaders animés par la volonté de changer profondément la direction du pays, notamment pour restaurer la transparence et la justice. Le choix des citoyens dans les prochaines élections sera crucial pour déterminer si le Cameroun s’acheminera vers un changement ou si le statu quo continuera à prévaloir. Les électeurs, face à une nouvelle candidature de Paul Biya, pourraient être amenés à choisir entre le renouvellement et la continuité d’un système politique qui, selon l’archevêque, ne répond plus aux attentes des populations.
Le discours de Mgr Kleda n’est pas passé inaperçu, notamment parmi les partisans du régime en place. L’avocat Georges Teguem, membre du parti présidentiel RDPC, a qualifié le discours de “démesuré” et a insisté sur les efforts du gouvernement pour améliorer le quotidien des Camerounais. Il a également suggéré que l’archevêque aurait dû concentrer ses efforts sur la lutte contre la corruption plutôt que sur une critique politique. Toutefois, cette opposition ne fait qu’accroître la polarisation entre les partisans du gouvernement et ceux qui demandent une révision complète du leadership politique, témoignant des fractures profondes dans la société camerounaise.
Ce discours souligne une fracture grandissante dans la société camerounaise, où une partie de la population exprime son mécontentement face à un régime jugé déconnecté des réalités quotidiennes. L’archevêque de Douala, par ses déclarations, joue un rôle de vigie morale et politique, et tente d’éveiller les consciences des citoyens à la nécessité de changer le système. Mais au-delà des critiques, la véritable question reste de savoir si cette prise de position aura une influence significative sur l’élection présidentielle à venir ou si le pays continuera à être dirigé par des dirigeants dont les méthodes sont désormais perçues comme obsolètes et contre-productives.