À quatre mois de la présidentielle prévue en octobre 2025, la tension monte au Cameroun. Une coalition regroupant quinze organisations de la société civile, appuyée par le Conseil de l’ordre des avocats, a publié une déclaration commune dénonçant une « montée vertigineuse » des discours haineux et tribalistes, souvent portés par de fausses informations. Les signataires tirent la sonnette d’alarme face à un climat politique qu’ils jugent de plus en plus délétère, marqué par des appels à la haine et une désinformation massive.
Pour Desmond Ngala, fondateur de l’ONG Civic Watch, la situation est alarmante : les médias et les réseaux sociaux sont saturés de contenus fabriqués, d’images manipulées et de titres trompeurs, le tout relayé de manière virale. Il évoque des débats télévisés devenus des tribunes d’insultes, où la provenance ethnique d’un candidat est plus souvent commentée que ses idées. « Lorsqu’on commence à cibler l’origine ethnique, le débat meurt », affirme-t-il, redoutant un climat de peur et de violence si rien n’est fait pour freiner cette dérive.
Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il s’accentue à mesure que l’échéance électorale approche. Déjà en mars, une quinzaine de patrons de presse camerounais avaient signé une tribune dénonçant la prolifération des discours de haine. Le pays, marqué par une diversité ethnique complexe et des tensions politiques latentes, a connu dans le passé des épisodes où les mots ont précédé les fractures. L’actuel contexte, nourri par la défiance et la polarisation, ravive ces craintes.
Face à cette dérive, Denis Omgba, directeur de l’Observatoire des médias au ministère de la Communication, reconnaît une « montée de la stigmatisation et de la violence » dans l’espace médiatique. Il rappelle que le gouvernement mise sur trois leviers : sensibiliser la population, renforcer la régulation des médias, et, en dernier recours, engager des poursuites judiciaires contre les auteurs récidivistes. Une stratégie jugée trop timide par plusieurs acteurs de la société civile, qui réclament des mesures plus visibles et concrètes pour désamorcer les tensions.
Les organisations signataires appellent les autorités à prendre leurs responsabilités pour apaiser le climat politique. Il ne s’agit pas uniquement de condamner les discours violents, mais de créer un environnement propice à un débat public respectueux et fondé sur les idées. La société civile, en première ligne face à ces dérives, attend du gouvernement un signal clair pour contenir les risques d’escalade.
Au-delà de la présidentielle, c’est la santé démocratique du Cameroun qui est en jeu. En tolérant la banalisation de discours ethnicistes et violents, le pays s’expose à des divisions durables. La qualité du débat public, la liberté de la presse et la régulation des plateformes numériques deviennent donc des enjeux majeurs. Préserver la cohésion nationale passe désormais par une réponse politique forte, mais aussi par l’engagement des citoyens à rejeter la haine et l’intox.