En 2024, le Cameroun est devenu le premier pays pourvoyeur de résidents permanents au Québec, détrônant pour la première fois la France. Selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), 9 127 Camerounais ont obtenu ce statut, représentant 15,4 % du total des immigrants permanents admis dans la province. Ce chiffre marque une hausse spectaculaire de 42 % par rapport à l’année précédente, confirmant la dynamique migratoire en provenance de ce pays d’Afrique centrale.
Ce bond s’inscrit dans une tendance observée depuis plusieurs années. Entre 2018 et 2022, le Cameroun ne représentait que 4,1 % des immigrants permanents admis au Québec. En 2022, le pays apparaissait à la 7e place avec 3 036 nouveaux arrivants, puis grimpait à la 2e place en 2023 avec 6 239 personnes. La barre symbolique des 9 000 a été franchie en 2024, propulsant le Cameroun en tête du classement devant la France (12 %), la Chine (8 %), la Tunisie (7 %), l’Algérie (6 %) et le Maroc (5 %).
Cette montée en puissance du Cameroun intervient dans un contexte de croissance démographique soutenue du Québec, dont la population a atteint 9,1 millions d’habitants en 2024. Cette progression contraste avec le taux de fécondité historiquement bas de 1,5 enfant par femme, bien en dessous du seuil de renouvellement des générations. Si l’immigration temporaire reste le moteur principal, l’arrivée massive de résidents permanents, notamment d’origine camerounaise, alimente le débat sur l’évolution culturelle et linguistique du Canada. L’ex-ministre Marc Miller dénonçait déjà en 2024 un affaiblissement de « l’identité culturelle et linguistique » du pays.
Pour répondre à ces tensions, le gouvernement canadien a annoncé en octobre 2024 un plan de réduction progressive des admissions permanentes. L’objectif est de passer de 500 000 en 2023 à 365 000 en 2027. Cette stratégie vise à limiter l’impact d’une immigration jugée excessive par certains, tout en maintenant un flux nécessaire pour soutenir l’économie et compenser le faible taux de natalité. Le rôle croissant du Cameroun dans ce contexte pourrait toutefois se maintenir, tant les pressions socio-économiques internes favorisent le départ vers l’étranger.
L’émigration massive des Camerounais ne se limite pas au Québec. Sur la période 2018-2022, 123 000 Camerounais ont choisi la France, 72 100 les États-Unis, 22 769 la Belgique et 17 000 l’Espagne. Ce mouvement traduit un profond malaise socio-économique dans le pays. Selon le Centre africain pour l’étude et la recherche sur les migrations (ACSRM), cette fuite s’explique avant tout par la recherche d’opportunités économiques meilleures. Avec un taux de chômage élevé (60,2 % incluant l’informel) et un salaire minimum parmi les plus bas d’Afrique francophone (43 969 FCFA en 2024), le Cameroun peine à offrir des perspectives viables à sa population, dans un contexte d’inflation soutenue (5,7 %).
La diaspora camerounaise, estimée à près de 5 millions de personnes, est aujourd’hui un acteur majeur de l’économie nationale, notamment par ses envois de fonds. Pourtant, cette dynamique migratoire accentue les fragilités internes du pays. Elle prive le Cameroun d’une partie de sa jeunesse et de ses compétences, tout en alimentant la fracture entre ceux qui partent et ceux qui restent. À long terme, cette « fuite des cerveaux » risque de peser sur les capacités de développement du pays et de creuser les inégalités économiques et sociales.
Pays |
Nombre d’immigrants résidents |
Évolution par rapport à 2023 |
Cameroun | 9127 | +42% |
France | 7327 | +7% |
Chine | 4630 | -21% |
Tunisie | 4045 | +82% |
Algérie | 3650 | +45,5% |
Maroc | 3095 | +25,4% |
Haïti | 2195 | -1,2% |
Côte d’Ivoire | 1546 | -5,7% |
Colombie | 1386 | +28,6% |
Liban | 1292 | +19,6% |
Inde | 1062 | -27,5% |
Brésil | 1037 | +11% |
Mexique | 1018 | |
Iran | 959 | +10,7% |
RDC | 946 | -12% |
Autres pays | 16111 | +6,4% |