Devant le Conseil de sécurité de l’ONU, ce 28 octobre, la cheffe de la Minusca, Valentine Rugwabiza, a tiré la sonnette d’alarme. À deux mois des élections locales, législatives et présidentielle en Centrafrique, elle a averti que les coupes budgétaires décidées par les États-Unis risquent de paralyser la mission de maintien de la paix. « Nous avons déjà réduit de 15 % nos dépenses, ce qui cause des difficultés majeures pour remplir notre mandat », a-t-elle déclaré, appelant au maintien intégral des effectifs face à un plan de réduction qui pourrait supprimer plus d’un tiers du personnel.
Le débat au Conseil de sécurité a mis en évidence une tension croissante entre les contraintes financières et les impératifs de stabilité sur le terrain. Plusieurs membres ont soutenu la position de la diplomate rwandaise, estimant que toute réduction de la Minusca risquerait de fragiliser un pays encore en proie à des violences sporadiques. La mission onusienne compte actuellement plus de 17 000 personnes, dont environ 13 500 soldats, déployés dans un contexte de regain d’insécurité.
À Bangui, le président Faustin-Archange Touadéra a lui-même adressé une lettre au Conseil pour plaider le maintien des effectifs. Son représentant à New York a insisté sur le rôle stabilisateur de la Minusca, qu’il a décrite comme « un rare exemple d’une mission qui rétablit l’espoir ». Le gouvernement craint que le retrait partiel des forces ne compromette la tenue des élections prévues dans deux mois, alors même que plus de 12 millions de dollars manquent encore pour leur organisation.
Les discussions au Conseil ont également mis en lumière les foyers persistants de violence. Dans le sud-est du pays, la milice Zande continue de sévir, tandis que le nord-est reste exposé à des incursions d’hommes armés venus du Soudan. Ces tensions frontalières, combinées à la faiblesse des moyens logistiques, pourraient mettre en péril la sécurité du scrutin et ralentir les efforts de stabilisation entrepris depuis 2014 sous l’égide de l’ONU.
La Russie, soutenue par plusieurs membres non permanents du Conseil, a estimé que « la mission ne doit pas devenir l’otage de la situation financière de l’ONU ». Ce consensus relatif autour du maintien de la Minusca contraste toutefois avec les réticences américaines, attachées à la discipline budgétaire onusienne. Le renouvellement du mandat de la mission, prévu en novembre, sera un test crucial pour l’engagement international en Centrafrique, à un moment où la stabilité du pays dépend encore largement de la présence de l’ONU.
Derrière ce débat budgétaire se joue en réalité la crédibilité même du système onusien dans la gestion des crises africaines. Si la Minusca venait à réduire ses effectifs, le risque d’un retour en arrière sécuritaire serait réel, dans un pays où l’État peine encore à s’imposer sur tout le territoire. Le vote de novembre au Conseil de sécurité dira si la communauté internationale choisit de maintenir son soutien à une Centrafrique encore fragile ou de céder à la logique des économies comptables au détriment de la paix.



