Le 26 mars 2025, le ministère de l’Intérieur de la République centrafricaine a finalement autorisé la manifestation du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC), prévue pour le 4 avril. Après une première interdiction fondée sur des préoccupations sécuritaires, cette décision est intervenue à la suite de l’instruction directe du président Faustin-Archange Touadéra. Le ministre de l’Intérieur, Marcel Nicaise Nassin, a souligné que l’opposition devra néanmoins garantir la bonne organisation et la sécurité du rassemblement. Un meeting de soutien à l’opposition est également prévu ce dimanche à Bangui.
Cette volte-face intervient après une série de déclarations contradictoires. Le 25 mars, le gouvernement avait cité un décret de 2022 pour interdire la manifestation, invoquant des risques liés à la situation sécuritaire du pays. Cependant, cette mesure n’avait pas empêché les rassemblements en faveur du président, y compris lors de la campagne référendaire de 2023, ni les manifestations de soutien à sa nouvelle candidature à la présidence en 2025. Les opposants avaient donc dénoncé ce traitement différencié, affirmant leur intention de continuer leur mobilisation malgré l’interdiction.
Cette situation s’inscrit dans un climat politique particulièrement tendu en Centrafrique, à quelques mois des élections présidentielles prévues pour la fin de l’année. Depuis plusieurs mois, la question de la légitimité des processus électoraux et des réformes constitutionnelles agite le pays. L’opposition dénonce régulièrement des dérives autoritaires et un processus électoral entaché de nombreuses irrégularités. Le gouvernement, de son côté, soutient que la stabilité du pays et la sécurité sont essentielles pour permettre un scrutin paisible, mais ces justifications sont souvent perçues par l’opposition comme des prétextes pour restreindre la liberté d’expression et de réunion.
Cette autorisation de manifester pourrait marquer un tournant dans le rapport entre l’opposition et le pouvoir. Si la marche se déroule dans le calme, elle pourrait donner un signe de détente dans les tensions politiques. Néanmoins, les déclarations du ministre de l’Intérieur, qui a insisté sur la responsabilité de l’opposition en matière de sécurité, laissent entendre que la moindre dérive pourrait entraîner des conséquences sévères. Dans un contexte déjà marqué par des violences politiques sporadiques, la marche pourrait être l’occasion de tester la capacité du gouvernement à encadrer un rassemblement public sans recourir à la répression.
Les réactions au sein de l’opposition, notamment à travers la voix du porte-parole du BRDC, Martin Ziguélé, oscillent entre soulagement et scepticisme. Ziguélé a salué la « sagesse » du président Touadéra, mais a souligné que l’interdiction initiale était « injustifiable ». Pour lui, l’autorisation de cette marche ne doit pas masquer les problèmes de fond : le manque d’un véritable dialogue politique et la difficulté à organiser des élections inclusives. Du côté du gouvernement, l’argument de la sécurité reste omniprésent, bien que la présence de la Minusca, la mission de l’ONU en Centrafrique, soit également un facteur de pression.
De son côté, la Minusca a fait part de sa volonté de suivre de près les événements et d’évaluer la possibilité de sécuriser la manifestation, notamment en collaboration avec les autorités locales. Lors de sa conférence de presse hebdomadaire, la porte-parole de la mission onusienne a encouragé les acteurs politiques centrafricains à « privilégier le consensus » et à œuvrer en faveur d’un climat apaisé. La mission a également insisté sur l’importance de mener des discussions constructives en vue des élections à venir, soulignant que des tensions comme celles observées autour de la marche de l’opposition pourraient nuire à la crédibilité du processus électoral.