Ce jeudi 10 juillet à Bangui, une étape symbolique et politique s’ouvre avec la rencontre officielle entre le gouvernement centrafricain et les chefs rebelles de l’Unité pour la Paix en Centrafrique (UPC) et des 3R (Retour, Réclamation et Réhabilitation). L’événement marque l’entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu signé le 19 avril dernier, sous l’égide du Tchad, qui prévoit la cessation des hostilités, le désarmement progressif des groupes armés et leur démobilisation en vue d’une réinsertion dans l’armée nationale.
Selon les termes de l’accord, les autorités procéderont à la dissolution officielle des deux groupes, respectivement dirigés par Ali Darassa pour l’UPC et le général Bobo Sembé pour les 3R. En échange, ces derniers acceptent de cesser toute action armée sur l’ensemble du territoire. En parallèle, ils réclament des garanties concrètes : des zones de cantonnement doivent être créées pour accueillir les combattants désarmés et faciliter leur réinsertion. Le gouvernement, de son côté, présente cette démarche comme une nouvelle tentative de stabilisation nationale à quelques mois d’élections cruciales.
Ce n’est pas la première fois que les deux groupes s’engagent dans un processus de paix. En février 2019, l’UPC et les 3R faisaient déjà partie des signataires de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation, qui réunissait le gouvernement et 14 groupes armés. Mais un an plus tard, la coalition rebelle CPA (Coalition des patriotes pour le changement), à laquelle ces deux groupes ont participé, a relancé les violences, brisant les promesses faites à Bangui. Cette histoire d’accords trahis laisse planer un doute sur la sincérité et la durabilité des engagements actuels.
L’accord de désarmement intervient à un moment charnière pour le régime de Faustin-Archange Touadéra. Les élections présidentielle et législatives sont prévues dans cinq mois, dans un climat encore marqué par l’insécurité dans plusieurs régions. La neutralisation de groupes armés influents pourrait renforcer l’autorité de l’État dans les zones périphériques et sécuriser partiellement le processus électoral. Mais les observateurs avertissent : sans accompagnement solide, notamment financier et logistique, la mise en Å“uvre risque de rester partielle.
Le retour à la table des négociations a été piloté par le Tchad, qui a discrètement réactivé sa médiation dans le dossier centrafricain. N’Djamena, longtemps accusée d’avoir joué un double jeu dans la crise centrafricaine, semble vouloir retrouver une posture de médiateur régional. Son rôle dans la signature de l’accord d’avril a été décisif, notamment dans le rapprochement avec l’UPC. Ce retour diplomatique tchadien pourrait aussi servir ses propres intérêts sécuritaires, à la frontière sud, toujours instable.
Si la signature de l’accord et le retour des chefs rebelles à Bangui sont des gestes politiques forts, ils ne garantissent en rien une sortie de crise. Plusieurs factions armées restent actives, notamment dans l’est et le nord-ouest du pays. D’autres groupes pourraient refuser de se joindre au processus, ou le saboter de l’intérieur. Pour les autorités, l’enjeu est double : maintenir l’unité nationale sans concéder trop aux anciens chefs de guerre, tout en assurant que ce nouveau processus ne soit pas une énième parenthèse illusoire.