Le secteur des centres d’appels au Maroc, qui emploie environ 110 000 personnes, est confronté à un bouleversement technologique majeur. Avec l’essor de l’intelligence artificielle (IA), certaines tâches autrefois assurées par des agents humains sont désormais prises en charge par des algorithmes, posant la question du maintien de l’emploi dans cette industrie en plein essor depuis vingt ans.
Les entreprises du secteur, à l’instar d’Intelcia, misent sur l’IA pour améliorer leur productivité. La multinationale marocaine, rachetée par Altice en 2016 et présente dans 18 pays, exploite déjà les chatbots pour répondre aux clients, scanne les CV pour accélérer le recrutement et analyse les enregistrements d’appels afin de détecter les failles dans les interactions. “Beaucoup de choses impactent le métier au niveau de la performance et de la productivité”, explique Youssef El Aoufir, directeur général d’Intelcia, qui insiste sur l’apport positif de ces nouvelles technologies.
Le nombre d’employés d’Intelcia est passé de 500 en 2006 à 40 000 aujourd’hui, signe d’un secteur toujours dynamique. Selon ses dirigeants, l’IA ne freine pas l’embauche. “Depuis l’arrivée de l’IA générative, nous constatons toujours de la croissance, et ce phénomène est global”, affirme Youssef El Aoufir. Cependant, cette vision optimiste est loin de rassurer les syndicats qui redoutent une réduction progressive des effectifs.
L’IA permet de réduire la durée moyenne de traitement des appels de 14 %, un gain d’efficacité apprécié par les entreprises mais qui pourrait entraîner une diminution du besoin en conseillers. “Moins d’interactions humaines signifient moins d’emplois”, alerte Ayoub Saaoud, secrétaire général de la Fédération des centres d’appels. Pour lui, la transformation numérique risque de fragiliser le secteur à moyen terme.
Si les avancées technologiques offrent des opportunités en matière de qualité de service et de rentabilité, elles posent également un défi social majeur. La question de la reconversion des travailleurs et de la formation à de nouvelles compétences devient cruciale pour éviter un choc social. Les syndicats plaident pour un dialogue avec les entreprises afin d’anticiper ces évolutions et protéger l’emploi.
Alors que le Maroc s’affirme comme un hub incontournable pour les services externalisés, la montée en puissance de l’IA oblige les acteurs du secteur à repenser leur modèle. Entre gains de productivité et menaces pour l’emploi, l’avenir des centres d’appels dépendra de la capacité des entreprises à intégrer ces innovations tout en garantissant un équilibre social.